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Ischémie mésentérique

Spécialité : gastro-enterologie /

Points importants

  • Rarement vu aux urgences (0,1 % des hospitalisations), mais de mortalité très grande
  • La mortalité varie de 60 à 100 % en fonction de la cause, d’où l’importance d’un diagnostic et d’un traitement précoces
  • Caractéristiques cliniques non-spécifiques induisant une errance diagnostique possible aggravant les risques de mortalité
  • Les principales causes d’ischémie sont d’origine artérielle
  • Importance de prévenir très rapidement les réanimateurs et le chirurgien car les heures sont comptées (< 6 heures) +++ 

Présentation clinique / CIMU

Diagnostic difficile, symptômes frustres, non spécifiques ainsi que les examens biologiques. Le diagnostic est fait à partir d’une forte suspicion clinique chez un patient vasculaire

 SIGNES FONCTIONNELS

  • Fièvre
  • La douleur abdominale est absente dans 15 à 20 % des cas
  • Sitiophobie (peur de manger)

 Au stade d’ischémie

  • Etat général conservé
  • Diarrhée (50 % des cas)
  • Parfois, sensation de ténesme sans diarrhée
  • Parfois insidieux au début, avec une simple pesanteur gastrique, à type de crampes épigastriques, péri-ombilicales, en fosse iliaque droite ou diffuses

 Au stade d’infarctus 

  • Altération de l’état général (anxiété, agitation, polypnée, teinte grisâtre, état stuporeux)
  • Douleur abdominale sévère, le plus souvent diffuse, d’augmentation généralement progressive (mais peut être plus brutale si cause embolique), réfractaire aux antalgiques
  • Nausées, vomissements fréquents et fétides
  • Diarrhées peuvent être sanglantes, suivi d’un tableau d’iléus avec arrêt des matières et des gaz
  • Méléna ou hématémèse dans 15 % des cas

CONTEXTE

Terrain

  • Age > 60 ans (mais peut se voir plus jeune si présence de facteurs prédisposants)
  • Cardio-vasculaire :
    • artérite des membres inférieurs
    • angor
  • Perte progressive de poids (ischémie chronique)

 Antécédents

  • Cardio-vasculaires thrombo-emboliques :
    • embolie artérielle périphérique
    • cardiopathie emboligène valvulaire ou rythmique
    • insuffisance cardiaque congestive
    • IDM récent
  • Autres épisodes similaires retrouvés à l’interrogatoire, souvent pendant les repas (angor intestinal)

 EXAMEN CLINIQUE

Au stade d’ischémie 

  • Pauvreté de l’examen abdominal contrastant avec la sévérité de la douleur spontanée :
    • abdomen souple, sensible, non météorisé, sans défense ni contracture
    • augmentation des bruits hydro-aériques (stade d’hyperpéristaltisme avec émission de selles précoces immédiatement après le début des douleurs)

 Au stade d’infarctus

  • Abdomen distendu, iléus, voire signes de péritonite
  • Signes de choc septique (HoTA, marbrures, oligurie)

 TR (méléna dans 15 % des cas, mais peut être normal)

 EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • Température (apyrexie, hypo ou hyperthermie)
  • SpO2

 Prévenir le chirurgien dès la fin de l’examen clinique si forte suspicion 

Signes paracliniques

BIOLOGIQUES

Les examens de laboratoire sont non spécifiques

NFS

  • Hyperleucocytose > 15 000/mm3 dans 75 % des cas
  • Hémoconcentration avec augmentation de l’hématocrite (troisième secteur)

 Ionogrammes sanguin

  • Hyperphosphorémie (stade d’ischémie), puis hypophosphorémie
  • Hyperurémie
  • Baisse des bicarbonates, hyperkaliémie (acidose métabolique)
  • Augmentation du trou anionique

 Hyperlactatémie (30 à 45 % des cas)

 BHC

  • Augmentation des LDH, ASAT, ALAT,
  • Augmentation des CPK

 Hyperamylasémie (en dehors de toute pathologie pancréatique)

CIVD

Gaz du sang artériels

  • Acidose métabolique

 IMAGERIE

Scanner abdominal injecté

  • Sensibilité de 96 à 100 %, spécificité de 89 à 94 %

 Angiographie mésentérique

  • Examen de référence réalisé généralement par voie fémorale
  • Demandée en urgence chez un patient cliniquement stable, en l’absence de signes péritonéaux
  • Précise le site, le mécanisme, la topographie, le caractère complet ou non de l’obstruction et apprécie le lit d’aval
  • Peux montrer un arrêt brutal sur l’artère mésentérique supérieure (20 % des cas), après l’origine de la colique moyenne (50 % des cas) et de la colique supérieure droite ou de l’ilio-colique (25 % des cas) et l’absence de circulation collatérale
  • Elle peut permettre l’administration de thrombolytiques intra-artériels (ex : papavérine)
  • Désavantages :
    • très invasif
    • obligation d’une stabilité clinique et hémodynamique du patient
    • irradiante
    • peut retarder l’acte chirurgical
    • néphrotoxique
    • possibilité de faux positifs si faite trop précocement

ASP

  • N’a éventuellement d’indications que dans l’identification d’un syndrome occlusif ou d’une perforation d’organes creux
  • Montre :
    • un intestin vide de gaz par spasme généralisé
    • une distension des anses intestinales (gaz intraluminal sans épaississement muqueux)
    • des calcifications de l’aorte abdominale et de ses branches
    • un niveau hydro-aérique (syndrome occlusif)
    • une grisaille diffuse (épanchement intrapéritonéal)
    • des images en « empreinte de pouce » (ischémie veineuse, oedème sous-muqueux)
    • des signes plus spécifiques :
      • exagération de l’aérogrélie, air  intrapariétal
      • pneumatose intestinale (dissection gazeuse de la sous-muqueuse)
      • augmentation de l’espace entre les anses (épaississement des parois intestinales)
      • aérobilie ou aéroportie (infection anaérobie, mauvais pronostic)
      • pneumopéritoine (perforation d’une anse infarcie)

Diagnostic étiologique

Embolie artérielle aiguë

  • Suspectée devant l’apparition brutale des douleurs abdominales en dehors de toute prise alimentaire, associée à une cardiopathie emboligène
  • Facteurs prédisposants :
    • ACFA
    • passage ou réduction d’arythmies rapides ou secondaires à un IDM transmural associé à un thrombus intracavitaire
    • anévrisme ventriculaire
    • valvulopathie (surtout mitrale)
    • endocardite infectieuse

 Thrombose artérielle aiguë

  • Suspectée par une installation plus graduelle avec notion de nausées ou de troubles du transit
  • Patient athéroscléreux
  • Anévrisme de l’aorte
  • Dissection aortique
  • Artérite

 Ischémie non occlusive

  • Diagnostic souvent suspecté tardivement devant des symptômes aspécifiques (anorexie, constipation)
  • Facteurs favorisants :
    • état de choc hypovolémique, cardiogénique ou septique
    • ergot de seigle
    • intoxications à la Cocaïne, aux digitaliques

 Thrombose veineuse mésentérique

  • Douleur abdominale diffuse, d’intensité moindre, installée graduellement en quelques jours. Souvent précédée d’une phase avec gêne et sensation de pesanteur abdominale
  • Facteurs prédisposants :
    • hypercoagulopathie
    • hypertension portale
    • sepsis  intra-abdominal
    • chirurgie récente abdominale
    • cirrhose
    • pancréatite
    • cancer (carcinoïde, phéochromocytome)
    • traumatisme (lésion intimale)

 Compression mécanique (rare)

  • Ganglion coeliaque
  • Ligament médian 

Diagnostic différentiel

  • Anévrisme de l’aorte abdominale
  • Appendicite aiguë
  • Cholécystite aiguë ou angiocholite
  • Infarctus du myocarde inférieur
  • Occlusion intestinale
  • Pancréatite 

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRA HOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Pose de voie veineuse périphérique
  • Éventuel remplissage par NaCl 0 ,9% pour préserver la perfusion tissulaire mésentérique ainsi que la fonction rénale
  • Oxygénothérapie
  • Intubation et ventilation contrôlée si troubles de conscience, dyspnée
  • Antalgiques en fonction de l’intensité douloureuse

 Discussion pluridisciplinaire (anesthésiste-réanimateur, chirurgien, radiologue interventionnel)

  • Intervention chirurgicale immédiate si signes de péritonite
  • Si embolie artérielle :
    • administration de papavérine, embolectomie chirurgicale ou thrombolyse intra-artérielle
  • Si thrombose artérielle aiguë :
    • administration de papavérine et intervention chirurgicale
  • Si ischémie mésentérique non occlusive :
    • administration de papavérine
  • Si thrombose veineuse mésentérique :
    • héparinothérapie seule ou associée à la chirurgie (l’héparinothérapie doit démarrer avant l’intervention chirurgicale)
    • 50 UI/kg en bolus puis 500 UI/kg/j afin d’avoir une héparinémie entre 0,3 et 0,6 UI/mL
  • Si ischémie mésentérique chronique :
    • angioplastie avec ou sans stent
    • ou revascularisation chirurgicale

Suivi du traitement

  • Sonde nasogastrique en aspiration douce (-20 cmH2O)
  • Antibiothérapie (C3G associée au metronidazole) pour couvrir les Gram négatifs, les entérocoques et les anaérobies (voir avec l’équipe d’anesthésie) 

Surveillance

CLINIQUE

  • Scope
  • PA, FC, FR, SpO2, EVA ou EN, conscience, diurèse/h
  • Palpation abdominale dès l’accueil puis régulièrement 

Devenir / orientation

Hospitalisation systématique en réanimation 

Mécanisme / description

  • Le volume sanguin splanchnique représente 30 % du volume sanguin total
  • Environ 25 % du débit cardiaque sont attribués au territoire splanchnique (60 mL/min par 100 g de tissu). Ce chiffre atteint 35 % en période post-prandiale et peut descendre jusqu’à 10 % lors d’un effort musculaire
  • 70 à 90 % du flux vasculaire sont destinés à la muqueuse intestinale, le reste étant destiné à la sous-muqueuse et à la musculeuse
  • 70 % du débit splanchnique irriguent l’intestin grêle
  • L’ischémie mésentérique aiguë est due à une diminution du débit sanguin intestinal secondaire à de nombreux mécanismes
  • Cette diminution du débit intestinal entraîne une ischémie avec lésion de la muqueuse, nécrose tissulaire et acidose métabolique
  • La suppléance sanguine intestinale et dérivée principalement à partir de trois artères gastro-intestinales majeures que sont : l’axe coeliaque, les artères mésentériques supérieure et inférieure
  • À tous les niveaux de l’intestin, il existe une circulation collatérale qui protège contre l’ischémie et est capable de compenser environ 75 % de réduction du débit mésentérique pendant environ 12 heures sans entraîner de lésions importantes
  • L’étendue de l’atteinte digestive est directement reliée à la durée et à l’importance de l’ischémie :
    • après 3 heures d’ischémie, la muqueuse s’érode et les cellules épithéliales se desquament, en particulier au sommet de la villosité. Même à ce stade, la restauration de la perfusion tissulaire peut encore conduire à la régénération d’un nouvel épithélium
    • après 6 heures d’ischémie, la nécrose transmurale est complète et les lésions s’étendent à la musculeuse jusqu’à la séreuse digestive. L’atteinte des trois couches tissulaires aboutit à une perforation digestive
  • Déperdition liquidienne :
    • elle est due aux lésions des entérocytes et des cellules endothéliales des capillaires villositaires. Ceci provoque une exsudation intraluminale massive
    • la déperdition peut atteindre 5 %  du volume plasmatique circulant par heure
  • L’ischémie intestinale peut être divisée en étiologie artérielle et veineuse, des problèmes aigus ou chroniques
  • La grande majorité des causes sont secondaires à des problèmes artériels (athérosclérose, artérite, anévrisme, dissection, l’embolie, thrombose)
  • On peut également subdiviser ischémie aiguë mésentérique en embolique, thrombotique ou de causes non occlusives :
    • embolie artérielle :
      • un tiers des causes aiguës
      • généralement secondaire à un thrombus cardiaque
      • l’artère mésentérique supérieure est le plus souvent touchée, contrairement à l’artère mésentérique inférieure de calibre plus petit
    • thrombose artérielle :
      • un tiers des causes aiguës
      • secondaire à l’aggravation ischémique d’artères mésentériques athérosclérotiques
      • la thrombose touche souvent aux moins de deux des gros vaisseaux splanchniques
    • étiologie non occlusive :
      • un tiers des causes aiguës
      • le premier mécanisme est une vasoconstriction intestinale sévère et prolongée
      • le plus souvent dû à un choc systémique avec réduction du débit cardiaque
      • un vasospasme peut également se voir au cours d’intoxications à la cocaïne (ingestion), à l’ergot de seigle, à la digoxine ou lors d’utilisation d’agents alpha adrénergiques
      • quelquefois dû à des thromboses veineuses (hypercoagulopathies) ou à une altération du retour veineux entraînant un oedème interstitiel au niveau de la paroi intestinale avec diminution du flux artériel nécrose tissulaire
  • Ischémie mésentérique chronique :
    • les symptômes sont dus à une augmentation du débit sanguin intestinal lors des repas (ce débit augmente généralement de 15 %)
    • causes :
      • généralement secondaires à une atteinte athérosclérotique ancienne d’au moins deux vaisseaux mésentériques
      • vascularites (ex : Takayasu)
      • syndrome de compression de l’artère coeliaque (ex : ganglion coeliaque, compression ligamentaire)  

Bibliographie

  • Nishijima DK. Mesenteric Ischemiaemedicine
    <a “http:=”” emedicine.medscape.com”=””>http://emedicine.medscape.com

Auteur(s) : Patrick PLAISANCE

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