Spécialité : toxicologie /
Points importants
(Héroïne, Subutex, méthadone, morphine, Skenan, Moscontin, dérivés codéinés)
- Pathologie chronique
- Installée après plusieurs années de consommations excessives
- N’est pas en soi une urgence, n’est jamais le 1er motif de consultation
- Les complications constituent des urgences :
- intoxication aiguë et sa complication : overdose, coma calme hypotonique avec myosis, risque de décès par dépression respiratoire
- sevrage : douleurs, nausées, diarrhée, rhinorrhée, larmoiement, frissons, bâillements : impressionnant mais n’est pas une urgence vitale
- complications infectieuses principalement liées aux injections (abcès, lymphangites, septicémies, endocardites, infections chroniques VIH et hépatites)
- complications particulières pendant la grossesse et l’accouchement : mort in utero, sevrage du nouveau-né
- tentatives de suicide fréquentes
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
Généraux
La dépendance aux opiacés est un diagnostic d’interrogatoire basé sur l’incapacité à s’abstenir de consommer et l’importance prise par le produit dans l’ensemble des comportements du sujet
- Incapacité à s’abstenir d’opiacés :
- syndrome de sevrage à l’arrêt
- ou recherche du produit pour éviter l’apparition des symptômes de sevrage
- répétition des prises bien que le sujet sache que l’héroïne ou les autres opiacés est la cause de problèmes multiples pour lui (professionnels, judiciaires, familiaux, sanitaires)
- Place prise par le produit : plusieurs heures/j passées à chercher de l’argent pour consommer (y compris conduites délictueuses), séquences comportementales répétitives
- Peuvent s’y ajouter les signes objectifs de complications
Spécifiques
- Amaigrissement, mauvais état dentaire
- Traces de piqure si injection (mais divers opiacés se consomment par sniff ou per os)
- ATCD de syndrome de sevrage, d’hospitalisations de sevrage
CONTEXTE
Terrain
- Sujet jeune, le plus souvent un homme
- La dépendance aux opiacés s’installe en plusieurs années
- Habituellement : début des consommations vers 17-20 ans, rapidité d’installation de la dépendance vers 20-25 ans, plusieurs essais de sevrage seul 25-35 ans, premier traitement de substitution prescrit vers 35 ans, décès avant 60 ans
Antécédents
- Dépendances multiples : alcool, cocaïne, médicaments
- Rechercher les antécédents de tentative de suicide
EXAMEN CLINIQUE
- Systématique
- FC, PA, T°
- La dépendance aux opiacés est un terrain favorisant les infections (pratique de l’injection, partage des pailles de sniff, blessures multiples, rapports sexuels non protégés …)
- Rechercher des portes d’entrées (points d’injection)
- Rechercher une complication infectieuse locale et générale
- Fréquentes manifestations psychiatriques : violence et troubles du comportement (personnalité psychopathique), conduites suicidaires, manifestations délirantes si co-ingestion cocaïne, alcool, benzodiazépines à forte dose, …
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
- Il s’agit d’un diagnostic clinique
- Seule la glycémie capillaire est systématique (à la recherche d’une hypoglycémie)
CIMU
- Tri 3-4
Signes paracliniques
Aucun signe paraclinique de dépendance aux opiacés
BIOLOGIQUE
- Les tests urinaires attestent d’un usage dans les 2 à 4 derniers jours
- Attention : les tests urinaires standards qui dosent les opiacés ne dosent que les opiacés naturels, il faut demander spécifiquement les dosages de méthadone, buprénorphine (Subutex) ou tramadol
- Les examens complémentaires sont fait selon l’orientation de l’examen clinique, si fièvre :
- NFS, glycémie, ionogramme, créatinine, bilan hépatique, TP/TCA
- hémocultures et sérologies VIH et hépatites B et C au moindre doute
IMAGERIE
- Radio de thorax si auscultation anormale
- Scanner cérébral si signe de localisation neurologique
Diagnostic étiologique
- La dépendance aux opiacés est un diagnostic d’interrogatoire
- Consommations répétées et excessives d’opiacés depuis plusieurs années
Diagnostic différentiel
- Rechercher les dépendances aux autres drogues illicites et/ou à l’alcool associées
- Troubles psychiatriques (dépressions, troubles anxieux, schizophrénie, trouble bipolaire, retard mental léger) avec utilisation d’opiacés secondairement : représentent 5-10% des toxicomanes aux opiacés
Traitement
- Jamais d’indication à débuter un traitement de substitution aux urgences pour un patient non suivi
- Le sevrage accidentel n’est jamais mortel
- Il émaille régulièrement la vie des usagers d’opiacés (absence du dealer, ruptures d’approvisionnement, sevrages volontaires, …)
- Un traitement symptomatique (paracétamol, antispasmodiques, hypnotique) peut être prescrit
- Le traitement de la dépendance aux opiacés se conçoit dans la durée (plusieurs années) et est émaillé de rechutes
- Débuter un traitement de substitution vous engage à suivre vous-même le patient pendant 2 à 4 ans !
- Donc : on peut toujours attendre 48-72 heures pour adresser le patient dans un centre de soins spécialisé pour toxicomanes. Le traitement de la dépendance n’est pas que la prescription d’un substitut : il doit comprendre une prise en charge globale : médicale, psychiatrique et sociale.
- Il peut prendre diverses formes au fur et à mesure des années :
- hospitalisation de sevrage
- traitement de substitution
- éventuelle prise en charge du VIH ou de l’hépatite C
- traitements des co-dépendances et des troubles psychiatriques associés …
- Par contre, si un patient toxicomane suivi dans un centre doit être gardé aux urgences > 24h, il convient de prendre contact avec son médecin et de lui administrer son traitement de substitution habituel (méthadone ou buprénorphine pour la durée de son séjour à l’hôpital)
Surveillance
CLINIQUE
- Signes d’intoxication : somnolence, myosis, bradypnée
- Signes de sevrage : douleur, rhinorrhée, larmoiement, frissons, bâillements, rechercher une consommation de naloxone (Revia)
PARACLINIQUE
- Non nécessaire
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
- JAMAIS D’INDICATION D’HOSPITALISATION DE SEVRAGE (pour arrêter volontairement le produit) EN URGENCE
CRITERES DE SORTIE
- Absence de signe d’intoxication ou de sevrage sévère
- Absence de complications
ORDONNANCE DE SORTIE
- PAS D’ORDONNANCE DE SORTIE (notamment pas d’opiacés, ni de benzodiazépines) autre qu’antalgiques simples, antispasmodiques, hypnotiques sans dépasser 8 jours, ré-adresser le patient sur son centre de soins
RECOMMANDATIONS DE SORTIE
- A la sortie, le patient doit être informé qu’il remplit les critères de dépendance aux opiacés
- L’orientation vers un centre de soins pour toxicomanes doit être proposée (mais 60% des toxicomanes aux opiacés bénéficient de traitement de substitution en France)
Bibliographie
- Jerome H. Jaffe, Ari B. Jaffe, Opiod-Related disorders in Kaplan and Sadock’s Comprehensive Textbook of Psychiatry, 7th edition, vol 1, pp 1038-63, Lippincott Williams and Wilkins, New York 1999
Auteur(s) : Florence VORSPAN, Saena BOUCHEZ
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