Spécialité : gynecologie / symptômes /
Points importants
- Situation trompeuse avec souvent pas de facteur de risque évident, diagnostic tardif, évaluation clinique difficile et mise en jeu du pronostic vital
- Définition : hémorragie > 500mL dans les 24h après l’accouchement
- En pratique : hémorragie estimée supérieure à la normale ou avec un retentissement clinique (malaise, retentissement hémodynamique, coagulopathie…)
- Une coagulopathie de consommation peut initier ou compliquer une hémorragie de la délivrance
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
Généraux
- Hypovolémie souvent bien tolérée au début (femme jeune, bonne tolérance fréquente d’un saignement de 500 voire 1000 mL)
Spécifiques
- Hémorragie génitale extériorisée à évaluer avec la mise en place d’un sac de recueil des pertes après la naissance de l’enfant (pour ne pas fausser le volume avec l’urine ou le liquide amniotique)
- Se méfier d’une rétention de sang ou de caillots intra-utérins
CONTEXTE
Terrain
- Age élevé
- Grossesse multiple
- Catégorie sociale défavorisée
- Délivrance tardive (> 30 min)
- Hématome rétroplacentaire
- Placenta praevia, accreta ou percreta
- Rupture utérine…
Facteurs de risque
- Souvent pas de facteur de risque évident
Circonstances de survenue
- Voir étiologies
EXAMEN CLINIQUE
- Appréciation de l’abondance de l’hémorragie génitale qui est extériorisée
- Tonicité utérine
- Recherche de signe de choc : tachycardie, HoTA, marbrures, extrémités froides
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
- Hémoglobine capillaire à répéter
CIMU
- Tri 1ou 2
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
- NFS à la recherche d’une anémie, ou d’une thrombopénie entrant dans le cadre d’une coagulopathie de consommation
- Hémostase complète avec fibrinogène : chute du TP et du fibrinogène
- Groupe, Rhésus et RAI
Diagnostic étiologique
- Rétention placentaire
- Hypotonie utérine
Diagnostic différentiel
- Hémorragies non liées à la délivrance :
- lésions cervico-vaginales
- épisiotomie hémorragique
- lésions du périnée
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
- Prévention : 5 principes :
- vider la vessie
- ne jamais tirer sur le cordon ou le placenta
- retirer hors de la filière génitale les caillots et le placenta uniquement s’il est décollé
- masser le fond utérin
- utérotoniques : oxytocine (Syntocinon) 5 U IVD après l’expulsion de l’enfant et au plus tard dans la minute qui la suit
- Après une délivrance complète :
- oxytocine 10 U dans 250mL en 20 à 30 min
- massage du fond utérin continu, à défaut compression externe par un « sac de sable »
Suivi du traitement
- Tonicité utérine (palpation d’un globe ferme)
- Recherche d’un saignement
- Prélèvement sanguin précoce si possible (groupage, anticorps, numération, coagulation)
Si persistance de l’hémorragie
- Poursuite de l’oxytocine en perfusion ou en bolus de 5 U sans dépasser 40 U (risque de surcharge hydrique et d’hyponatrémie)
- Traitement d’un choc hémorragique
- En cas de persistance de l’hémorragie :
- rechercher une cause anatomique d’hémorragie du post-partum :
- contrôler minutieusement l’épisiotomie
- examen sous valves de la filière génitale
- s’assurer de la vacuité utérine :
- une révision utérine peut être nécessaire
- un professionnel de l’obstétrique (obstétricien, sage-femme) est souvent le plus apte à la réaliser
- une sédation est nécessaire
- rechercher une cause anatomique d’hémorragie du post-partum :
- Au-delà de 15 à 30 min d’inefficacité de l’oxytocine, utiliser le sulprostone, (Nalador 500 µg en 1h par paliers progressifs de 100 µg). Il est souhaitable d’en poser l’indication avec un obstétricien référent. Ne pas utiliser d’oxytocine simutanément mais seulement en relais avec 10 à 20 U en 6h.
- Dérivés sanguins si nécessaire :
- transfusion de culots sanguins pour maintenir une hémoglobine entre 7 et 10 g/dL tant que l’hémorragie persiste
- plasma frais congelé en cas de trouble de l’hémostase associé (penser aussi à une coagulopathie primitive ou secondaire à la consommation des facteurs)
- transfusion de concentrés plaquettaires recommandée en cas de thrombopénie inférieure à 50 G/L
- Discuter la réalisation d’une artério-embolisation entre obstétricien, réanimateur et radiologue interventionnel dans un centre spécialisé
MEDICAMENTS
Oxytocine (Syntocinon)
- Contre-indications :
- hypersensibilité à l’un des composants :
- dystocies
- fragilité ou distension excessive de l’utérus
- hypertonie utérine ou souffrance foetale quand l’accouchement n’est pas imminent
- troubles cardiovasculaires et toxémie gravidique sévères
- prédisposition à l’embolie amniotique (mort foetale in utero, hématome rétroplacentaire)
- placenta prævia
- peu de réelles contre-indications après l’accouchement
- hypersensibilité à l’un des composants :
- Posologie :
- 5 U IVD lente après expulsion de l’enfant et au plus tard dans la minute qui la suit
- après délivrance 10 U dans 250 mL sur 20 à 30 min
- poursuite de l’oxytocine en perfusion ou en bolus de 5 U sans dépasser 40 U (risque de surcharge hydrique et d’hyponatrémie)
Sulprostone (Nalador)
- Contre-indications (relatives en cas de mise en jeu du pronostic vital) :
- utérus cicatriciel
- antécédents et affections cardiovasculaires (angine de poitrine, syndrome ou maladie de Raynaud, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA)
- lésions cardiaques préexistantes (même en l’absence de signes de décompensation)
- bronchite asthmatiforme aiguë ou antécédents d’asthme sévère
- antécédents thromboemboliques (embolie pulmonaire, phlébite)
- troubles graves de la fonction hépatique ou rénale
- diabète décompensé
- thyréotoxicose
- thalassémie, drépanocytose
- Se méfier des effets secondaires : spasme coronarien, hypertension artérielle pulmonaire, bronchoconstriction
- Posologie :
- 100 à 500 µg en 1h par paliers progressifs de 100 µg/h selon l’efficacité et la tolérance clinique
- ne pas dépasser 1500 µg
Surveillance
CLINIQUE
- Paramètres hémodynamiques : PA, FC, FR, SpO2, GCS, diurèse horaire
- Quantification des pertes hémorragiques
- Tonicité utérine
PARACLINIQUE
- NFS
- Bilan d’hémostase
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
- Lors d’une prise en charge extrahospitalière, l’admission rapide en salle de naissance doit être favorisée
- Les équipes obstétricale et anesthésique doivent être prévenues
- Le choix du service receveur est fait en fonction des contraintes géographiques (délais de transport, maternité de suivi), du plateau technique (niveau de maternité, accessibilité aux dérivés sanguins, réanimation, embolisation radiologique…) et de l’état clinique de la patiente
Bibliographie
- Collège National des Gynécologues Obstétriciens de France, Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé – Haute Autorité de Santé. Recommandations pour la Pratique Clinique sur les hémorragies du post-partum immédiat. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 suppl (8) 4S1-4S136
- Bagou G. Hémorragies de la délivrance. Congrès National Urgences 2006, Paris. Editions Scientifiques LC, 2006, 207-216
- Recommandations formalisées d’experts SFAR-SFMU : urgences obstétricales extrahospitalières, 2010
Auteur(s) : Gilles BAGOU
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