Spécialité : toxicologie /
Points importants
- Substance psychoactive la plus consommée en France
- 40 000 décès par an
- 1ère cause de mortalité évitable chez les jeunes
- Véritable problème de santé publique en particulier chez les sujets jeunes
- Concept de binge drinking (alcoolisation paroxystique intermittente)
- Complications graves
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
Généraux
- Interrogatoire +++
- 3 phases en fonction de la quantité ingérée :
- excitation psychomotrice :
- état d’agitation aigue
- désinhibition
- euphorie
- logorrhée
- tristesse
- irritabilité
- altération temps de réaction
- jugement et mémoire
- incoordination :
- confusion mentale
- syndrome cérébelleux
- dysarthrie
- comateuse :
- coma profond
- mydriase aréactive
- hypothermie
- hypotension
- hypoglycémie
- excitation psychomotrice :
Spécifiques
- Les états d’ivresse aigue peuvent prendre différentes formes pathologiques :
- ivresse maniaque : euphorie, idées de grandeur, discours familier
- ivresse dépressive : syndrome dépressif pouvant conduire au suicide
- ivresse hallucinatoire : hallucinations visuelles et auditives
- ivresse délirante : jalousie, persécution, auto-accusation
- ivresse comateuse : incontinence urinaire, état léthargique, hyporéflexie tendineuse, hypoesthésie
- Binge Drinking (« alcool défonce ») : intoxication aigue massive qui se définit (selon le National Institute on Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA)) par la prise, lors d’une même occasion, d’au moins 5 verres d’alcool chez l’homme adulte et d’au moins 4 chez la femme. C’est une conduite addictive à haut risque, notamment sur le plan traumatologique (accident de la voie publique, rixe,…) et sur le plan social (désinhibition avec majoration de l’agressivité et des comportements violents)
CONTEXTE
Terrain
- Habituellement, début des consommations vers 13-15 ans
- Premières ivresses vers 15-17 ans
- Premières conséquences négatives vers 16-22 ans
- Installation de la dépendance vers 25-40 ans
- Décès en moyenne à 60 ans
Traitement usuel
- Anti psychotiques, anxiolytiques, antidépresseurs…
Antécédents
- Accidents du travail
- Accidents de la voie publique sous l’emprise de l’alcool
- Sanctions et renvois professionnels
- Multiples disputes familiales autour de l’alcool, rixes, ivresses multiples et répétition des passages aux urgences
Facteurs de risque
- Troubles dépressifs, névroses, personnalités pathologiques, ATCD familiaux d’alcoolisme
Circonstances de survenue
- Festif en groupe
- Solitaire lors d’un accès dépressif
EXAMEN CLINIQUE
Consiste à différencier l’IA simple non compliquée (surveillance clinique simple) d’une IA compliquée (surveillance rapprochée en milieu hospitalier)
Signes neurologiques (cérébelleux)
- Troubles de l’élocution
- Incoordination motrice
- Elargissement du polygone de sustentation
- Nystagmus
- Troubles attentionnels
Signes de gravité
- Hypo ou hyperthermie
- Souffrance cardiovasculaire :
- tachycardie ou bradycardie
- HoTA
- troubles du rythme (trouble du rythme supraventriculaire, arythmie complète par fibrillation auriculaire)
- Détresse respiratoire aiguë :
- inhalation à l’occasion d’un vomissement
- dépression respiratoire
- bradypnée
- Signes neurologiques :
- Score de Glasgow Glasgow
< 8 - crise convulsive
- coma profond avec mydriase
- AVC ischémique
- signe neurologique de localisation en particulier en cas de traumatisme crânien
- Score de Glasgow Glasgow
- Lésions traumatiques :
- fractures, entorses, luxations, syndrome de loge
- Complications psychiatriques :
- agitation aiguë
- agressivité avec manifestations excitomotrices
- délires
- hallucinations
- Complications digestives :
- gastrite
- syndrome de Mallory-Weiss
- hépatite alcoolique aiguë
- pancréatite aiguë
- Intoxications associées :
- médicamenteuse (cardiotropes, substance psychoactive…)
- autre toxicomanie
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
- SpO2 (grave si SpO2 < 92%)
- ECG à la recherche de trouble du rythme supraventriculaire ou ACFA
- Hémocue si doute sur complication digestive hémorragique ou post traumatique
- Glycémie capillaire : hypoglycémie
- BU à la recherche d’une cétonurie
CIMU
- Fonction des paramètres vitaux
- En général : tri 4 ou 5
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
En fonction des situations cliniques
- Alcoolémie (doute ou patient mineur) :
- 0,2-0,3 g/L : ralentissement moteur, perte de précision, début de désorganisation logique
- 0,3-0,8 g/L : majoration des difficultés motrices et cognitives
- 0,8-2 g/L : augmentation de l’incoordination, troubles du jugement, labilité émotionnelle, troubles cognitifs
- 2-3 g/L : nystagmus, troubles de l’élocution, black outs (épisodes d’amnésie antérograde)
- > 3g/L : perturbation des constantes vitales, risque de décès
- Ionogramme sanguin, CPK : acidocétose, rhabdomyolyse, dysnatrémies, dyskaliémies, insuffisance rénale
- Bilan hépatique (cytolyse) et TP
- Lipasémie (pancréatite aigue)
IMAGERIE
- Radiographie Thoracique de face si suspicion d’inhalation
- Tomodensitométrie cérébrale si Traumatisme crânien ou signes de localisation
Diagnostic étiologique
- Festif
- Accès Dépressif
- Trouble de la personnalité
Diagnostic différentiel
- Hypoglycémie
- Hématome sous dural, AVC, hémorragie méningée
- Méningo-encéphalite, épilepsie
- Intoxication monoxyde de carbone, solvants, psychotropes, cannabis, cocaïne, hallucinogènes
- Pathologie psychiatrique (accès maniaque, bouffée délirante aiguë…)
- Délirium Tremens
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
- Hydratation orale ou IV par NaCl 0,9% 1000 mL sur 6h avec éventuellement l’adjonction de vitB1 (thiamine) (1 amp/L de NaCl)
- Resucrage oral ou IV en cas d’hypoglycémie : 1 à 2 ampoules de G30%, voire G10% 500 mL si hypoglycémie persistante ou récidivante
- Réchauffement externe en cas d’hypothermie (couverture de survie ou chauffante)
- Oxygénothérapie nasale, au masque voire intubation avec assistance ventilatoire en cas d’insuffisance respiratoire aigue
- Traitement des conséquences traumatiques
- Sédation chimique voire mécanique si agitation aigue
Suivi du traitement
- Fonction de la récupération d’un état neuropsychiatrique adapté et cohérent
MEDICAMENTS
- L’emploi des benzodiazépines IV type diazépam (10 à 20 mg IV) ou clorazépate (50 mg IV ou IM : 1 à 2 amp, renouvelable 1 h après l’absence de sédation) est davantage recommandé de part leur rapport bénéfice/ risque
- Les neuroleptiques de type halopéridol (1 à 2 ampoules de 5mg IV ou IM) peuvent être utilisés en dernier recours en cas d’agitation majeure en tenant compte du risque de iatrogénie majorée par l’alcoolisation
- Cette sédation impliquera nécessairement une hospitalisation avec surveillance clinique rapprochée
Surveillance
CLINIQUE
- Dépend du degré d’alcoolisation
- Score de Glasgow toutes les 2h
- La confusion doit régresser en quelques heures, au delà, rechercher une complication: notamment neurologique
- TA, FC, SpO2, FR toutes les 2h
- Glycémie capillaire et T° si hypoglycémie ou hypothermie
PARACLINIQUE
- Fonction du bilan initial
- Radiographie thorax si fièvre
- Alcoolémie une fois la sédation obtenue (diminue d’environ 0,1 g/h)
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
- Réanimation : tout signe de détresse vitale impose l’avis/hospitalisation en réanimation
- Service d’hospitalisation : fonction des complications éventuelles de l’état d’ivresse aiguë traumatique (fracturaire périphérique, TC), métabolique (hépatite alcoolique aigue, pancréatite aigue…), syndrome de sevrage à l’issue de l’intoxication aiguë
CRITERES DE SORTIE
- En l’absence de complications
- La sortie contre avis médical n’est pas possible. L’hospitalisation sous contrainte ne semble toutefois pas licite d’emblée et l’isolement du patient se fera jusqu’à l’amélioration des troubles
- La sortie est envisageable si le maintien de la permanence des fonctions relationnelles est assurée, condition nécessaire pour le confier à un tiers non médical
- Si le patient apparaît dangereux pour lui même ou son entourage, l’obtention d’un consentement n’est pas valide et sera assimilé à une fugue, si le maintien à l’hôpital ne peut être obtenu
- La sortie du patient sera envisagée après rétablissement des fonctions relationnelles et disparition des signes d’alcoolisation aiguë
ORDONNANCE DE SORTIE
- Pas d’ordonnance type recommandée : elle sera fonction des complications éventuelles
RECOMMANDATIONS DE SORTIE
Messages permettant de sensibiliser le patient sur cet épisode
- “Feedback” sur sa consommation d’alcool
- Limites d’une consommation modérée d’alcool
- Notion “un verre d’alcool” avec encouragement à rester en dessous de cette limite et enfin la remise au patient d’un fascicule ou d’un livret d’aide
- L’entretien médical comprendra l’utilisation du questionnaire DETA qui permet de détecter le mésusage d’alcool et du questionnaire AUDIT qui permet de détecter l’alcoolo-dépendance afin d’orienter le patient vers une consultation spécialisée
Questionnaire DETA
- 1. Avez-vous déjà ressenti le besoin de diminuer votre consommation de boissons alcoolisées ?
- 2. Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommation ?
- 3. Avez-vous déjà eu l’impression que vous buviez trop ?
- 4. Avez-vous déjà eu besoin d’alcool dès le matin pour vous sentir en forme ?
Interprétation
- Deux réponses positives (ou plus) font suspecter un problème de santé avec l’alcool et légitiment un entretien clinique (usage nocif ou alcoolodépendance)
Mécanisme / description
- La vitesse d’élimination médiane de l’éthanol est de 0,2 g/L/h (un sujet adulte métabolise 7 à 10 g d’éthanol par heure en moyenne). Cette vitesse de métabolisation peut être doublée chez un sujet consommateur chronique
- Ethanol très peu adsorbé par le charbon activé
- Absorption gastroduodénale ; l’éthanol franchit la barrière foetoplacentaire
- Métabolisme hépatique, principalement par la voie de l’alcool déshydrogénase selon un mécanisme saturable. La transformation de l’éthanol en acétaldéhyde est l’étape limitante du catabolisme de l’éthanol
- L’ingestion de nourriture ralentit la vidange gastrique et abaisse le pic plasmatique
- La dose létale chez l’adulte est de 3 à 5 g /kg (éthanolémie comprise entre 5 et 8 g/L selon les sujets et en particulier de la fréquence de la consommation éthylique)
- La dose létale chez l’enfant est de 3 g/kg
- Possibilité d’hyponatrémie en cas d’éthylisme aigu à la bière
- Concentration maximale atteinte à jeun à 30 minutes :
- 1 demi de biere (25cL) = 1 verre de pastis (5cL) = 1 coupe de champagne (0,15g) = 0,15g
- 1 verre de vin = 0,25g
- Encéphalopathie hépatique complexe et non encore complètement élucidée
- Toxicité fonctionnelle :
- désorganisation structurelle des membranes neuronales
- altération des neurotransmetteurs : cholinergique, sérotoninergique, dopaminergique, noradrénergique, gabaergiques
- altération des acides aminés excitateurs et des neuropeptides
- toxicité sur les membranes cellulaires des radicaux libres issus du métabolisme oxydatif de l’éthanol
- Toxicité lésionnelle : en cas d’éthylisme chronique, à l’origine de pertes neuronales (cortex préfrontal, hypothalamus, cervelet)
Bibliographie
- Marc A. Schukit, Alcohol-Related disorders in Kaplan and Sadock’s Comprehensive Textbook of Psychiatry, 7th edition, vol 1, pp 963-71, Lippincott Williams and Wilkins, New York 1999
- Choquet M. Consommation d’alcool parmi les jeunes en France et en Europe. Alcool et Santé en France, Etat des Lieux. Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire 2006; 34:261-3
- Legleye S, Spilka S, Le Nézet O, Hassler C, Choquet M. Alcool, Tabac et Cannabis à 16 ans. OFDT (Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies) Tendances 2009; 64:6 pp
- Nordmann R. Evolution des conduites d’alcoolisation des jeunes : motifs d’inquiétude et propositions d’action. Bull. Acad. Natle Méd. 2007; 191:1175-1184
- W Miller J, Naimi TS, Brewer RD, Jones SE. Binge Drinking and associated health risk behaviors among High School Students. Pediatrics 2007; 119:76-85
- Sureau C, Charpentier S, Philippe JM et al. Actualisation 2006 de la seconde conférence de consensus 1992 « l’ivresse éthylique aiguë dans les services d’accueil des urgences ». Société Française de Médecine d’Urgence – Commission de veille scientifique 2006
- Lamiable D, Hazey G, Marty H, Vistelle R. EMC 2004 – Intoxication aiguë à l’éthanol- p 251 – 258
Auteur(s) : Florence VORSPAN, Saena BOUCHEZ, Isabelle MALISSIN, Guillaume DER SAHAKIAN
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