Intoxication : cocaïne

Spécialité : toxicologie /

Points importants

  • 3e substance illicite la plus consommée après le cannabis et le MDMA (3,4-méthylènedioxymétamphétamine = Ecstasy). 2% de la population française en a consommé au moins 1 fois.
  • Substance à usage récréatif
  • Une cause non négligeable de mort violente chez l’adulte jeune
  • Fort risque d’infarctus myocardique dans l’heure qui suit l’intoxication
  • Chez les body packers, un paquet seul contient plus de 10 fois la dose létale
  • Association fréquente entre la dépendance à la cocaïne et une polyintoxication, polytoxicomanie (alcool, héroïne, benzodiazépines)
     

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Troubles neuro-psychiques

  • Euphorie, hallucinations, bien-être, facilitation relationnelle, agressivité, anxiété
  • Hypervigilance, anorexie, insomnie
  • Idées délirantes
  • Céphalées (hémorragie intracrânienne)

Cardio-vasculaire

  • Douleur thoracique souvent atypique (symptôme le plus fréquent) de type angineuse ou pleurale

Pulmonaire

  • Tachypnée

CONTEXTE

Terrain

  • Le plus souvent homme de 15 à 35 ans
  • 2 types d’usage :
    • récréatif
    • compulsif pouvant aboutir à une dépendance
  • Prédisposition à la dépendance à la cocaïne :
    • personnalité pathologique (narcissique, antisociale)
    • troubles psychiatriques : troubles bipolaires, alcoolisme, hyperactivité et troubles de l’attention dans l’enfance.
  • NB : Troubles psychiatriques souvent associés à la prise chronique de cocaïne

Antécédents

  • Recherche de toxicomanie antérieure, hépatite, VIH

Circonstances de survenue

  • Quelle voie d’administration (IV, nasale, orale, vaginale) ? :
    • IV : effets pharmacologiques débutent en quelques secondes ; pic d’action = 2 à 5 min ; durée d’action = 10-20 min
    • inhalation de vapeurs (crack avec pipe spéciale ) : dérivé liposoluble, biodisponibilité = 57% ; délai d’action = 8-10 sec ; pic d’action = 2-5 min ; durée d’action = 10-20 min (les prises sont souvent répétées => pics plus précoces et plus importants)
    • inhalation intranasale (poudre blanche) : dérivé hydrosoluble, délai d’action = 2-5 min ; pic d’action = 5-10 min ; durée d’action = 30 min
    • gastro-intestinale : body packers (passage en fraude de nombreux paquets minutieusement enveloppés et contenant une concentration importante de drogue [jusqu’à 10 g chacun]) ; body stuffers (ingestion à la hâte de paquets de cocaïne lors d’une arrestation, généralement en faible quantité et paquets mal enveloppés avec risque de fuite de poudre)
    • mastication de feuilles de coca : délai d’action = 10 min ; pic d’action = 30-60 min ; durée d’action = 60 min. Concentrations sanguines très inférieures à celle après cocaïne sniffée.
  • Le patient a-t-il pris d’autres toxiques ?

EXAMEN CLINIQUE

Syndrome adrénergique

  • Tachycardie, HTA (rechercher signes d’OAP, de dissection aortique)
  • Sueurs
  • Mydriase
  • Hyperthermie, agitation

Pulmonaire

  • Tachypnée (noter fréquence respiratoire)
  • Toux
  • Douleur thoracique : recherche de signes bronchitiques, infection pulmonaire, endocardite, infarctus myocardique, pneumothorax, pneumomédiastin (par barotraumatisme secondaire à l’inhalation)

Neurologique

  • Agitation
  • Trémulations
  • Coma
  • Convulsions
  • AVC (par hémorragie intracrânienne, infarctus de l’artère cérébrale antérieure ou sylvienne)

Abdominal

  • Recherche douleur (infarctus mésentérique surtout chez les body packers), masse palpable (paquets, toucher rectal), signes d’occlusion (+++)

Autres signes

  • Fièvre (mauvais pronostic)
  • Ischémie de membre (si injection intra-artérielle)
  • Ulcérations cornéennes (irritation thermique et chimique)
  • Brûlures oro-pharyngées (après crack)
  • <a « pathologies_116″= » »>Rhabdomyolyse 
    (par augmentation du tonus musculaire)
  • Perforation nasale, sinusite

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

ECG

  • Tachycardie sinusale ou tachyarythmies supraventriculaires
  • Signes de syndrome coronarien aigu si douleur thoracique
  • Troubles du rythme ventriculaires
  • Effet stabilisant de membrane (élargissement du QRS…)
  • Signes équivalents à un anti-arythmique Ia

Bandelette urinaire : myoglobinurie

Dépistage urinaire de la cocaïne et de ses dérivés

  • Chez l’enfant suspect d’avoir été abusé
  • Si suspicion d’ingestion de cocaïne chez un body packer
  • Pour distinguer une paranoïa psychiatrique d’une paranoïa toxique
  • Autres indications :
    • pour connaître l’épidémiologie des consommations de stupéfiants
    • pour le dossier médico-légal

Ponction lombaire post-scanner cérébral si suspicion d’hémorragie méningée.

CIMU

Tri 1 à 3 en fonction de la gravité clinique
 

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • NFS
  • Ionogramme sanguin (acidose métabolique lactique, hyperkaliémie)
  • Créatinine (infarctus rénal par vasospasme)
  • CPK (rhabdomyolyse)
  • Hyperglycémie (syndrome adrénergique)
  • Troponine : si douleur thoracique ou anomalies ECG
  • Prélever bilan préopératoire si body packer ou body stuffer

IMAGERIE

Rx de thorax si douleur thoracique ou dyspnée, recherchant

  • Pneumomédiastin
  • Pneumothorax
  • Dissection aortique

ASP (chez body packers, body stuffers)

  • Peut être négatif si drogue emballée dans cellophane
  • Peut être positif chez les bodypackers (paquets nombreux + denses)

TDM abdominal avec lavement opaque

  • Si ASP négatif
  • Plus sensible
  • Compte précis des boulettes,

TDM cérébral

  • Si altération de la vigilance ou céphalées
  • Risques d’hémorragie ou d’ischémie cérébrale
     

Diagnostic différentiel

D’UN ETAT D’AGITATION

Causes métaboliques

  • Anomalies électrolytiques
  • Hypoglycémie
  • Hypoxémie
  • Hyperammoniémie

Lésions du SNC

  • Traumatisme
  • AVC
  • Hémorragie
  • Tumeur

Cause endocrinienne

  • Thyréotoxicose

Infections

  • Méningo-encéphalite virale ou bactérienne

Causes toxiques

  • Autres agents sympathomimétiques (amphétamines +++)
  • Théophylline
  • Caféine
  • Antidépresseurs tricycliques
  • Antihistaminiques
  • Syndrome malin des neuroleptiques
  • Hallucinogènes

PNEUMONIE A PNEUMOCYSTIS CARINII

Traitement

STABILISATION INITIALE

  • Il peut être obligatoire de mettre le patient en contention si agitation importante, délire
  • Large voie d’abord veineuse avec NaCl 0,9% > 1,5-2 L/24h + vitamine B1
  • Scope
  • Benzodiazépines +++
  • Anti-épileptiques (clonazépam, phénobarbital voire thiopental après intubation)
  • Si indiquée, intubation et ventilation mécanique avec sédation (midazolam) +/- (cas exceptionnels) curare non dépolarisant (attention à rhabdomyolyse et hyperkaliémie avec les curares dépolarisants)
  • En intra-hospitalier :
    • prévenir rapidement le chirurgien viscéral et l’anesthésiste si body packer ou stuffer symptomatique à l’arrivée (syndrome occlusif, tachycardie, HTA, signes ECG) et même si patient asymptomatique (risque de fuite à tout moment)
    • prévenir rapidement le réanimateur si signes de gravité (tachycardie, HTA, convulsions, signes ECG, arrêt cardiaque)

SUIVI DU TRAITEMENT

BZD (diazepam 5-10 mg IVL renouvelable toutes les 5 min) en première intention si

  • Agitation ou tremblements, hyperthermie maligne
  • HTA, tachycardie

Lutte contre l’hyperthermie

  • Méthode d’évaporation-convection (refroidissement externe)
  • Important de baisser la T° < 39°C dans les 20 min
  • Réhydratation agressive
  • Antipyrétique type paracétamol (perfalgan 1g en 20 min en perfusion IV)

Rhabdomyolyse

  • Réhydratation au NaCl 0,9%
  • Alcalinisation avec bicarbonates 1,4%

Douleur thoracique

  • BZD (diminue la consommation d’O2 myocardique)
  • Aspirine
  • Morphine titrée IV
  • Dérivés nitrés
  • Pas de beta-bloquant (pour ne pas exacerber les effets alphamimétiques de la cocaïne)

HTA / tachycardie

  • Utiliser en première intention les BZD
  • Si insuffisant, alpha-beta-bloquants (labétolol IV) ou inhibiteurs calciques (nicardipine)
  • Dérivés nitrés ou nitroprussiate en dernier recours
  • Tachycardie à complexes larges => bicarbonate de sodium 8,4% (1-2 mEq/kg IVL, débit libre, à répéter si non affinement QRS, y associer 2 g de KCl /250 mL)

Body packers / stuffers

  • Charbon activé pour body stuffer asymptomatique ou vu dans les 2 premières heures
  • Pas d’endoscopie car rupture possible des paquets
  • Si asymptomatique : huile de paraffine voire lavement au PEG (polyéthylène glycol)
  • Demande d’avis spécialisé chirurgical si symptomatique d’emblée

MEDICAMENTS

  • Charbon activé (carbomix 1-2 g/kg jusqu’à 90 g dans 250 mL d’eau)
  • Diazepam 5-10 mg IVL renouvelable toutes les 5 min
  • Labétolol (Trandate) 1 mg/kg en 1 min à répéter si besoin puis 0,1 mg/kg/h à titrer selon PA
  • Clonazépam (Rivotril) 1 mg IV à renouveler si besoin
  • Huile de paraffine 10-20 mL 6 fois /j jusqu’à évacuation de toutes les boulettes (obtention de 2 selles sans boulettes)
  • Nicardipine (Loxen) : 1-4 mg/h à adapter à la PA
  • Nitroprussiate : 0,3 µg/kg/min IVSE à titrer (débit max : 10 µg/kg/min)
  • Phénobarbital 20 mg/kg (dose de charge) IV 20 min puis 2-5 mg/kg/j IV
  • Polyéthylène glycol : 4 litres per os sur 4 heures jusqu’à évacuation intestinale complète
  • Thiamine (vitamine B1) : 100 mg IV ou IM
  • Trinitrine : 10-100 µg/min IVSE
  • Eviter :
    • halopéridol, dropéridol, phénothiazines car sont anticholinergiques et limitent les sueurs qui favorisent la défervescence
       

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, T°, FR (BZD), PA, FC, douleurs thoraciques / h
  • Scope
  • ECG
  • Selles dans bassin : après lavement, garder les paquets déféqués :
    • pour la police (si patient en garde à vue)
    • ou pour le pharmacien (si patient venu de lui-même ou amené par les secours sans déclaration aux forces de l’ordre)
       

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Transport aux urgences pour surveillance si aucun signe de gravité clinique et électrique
  • Transport en réanimation dans les autres cas

EN INTRAHOSPITALIER

Critères d’admission en réanimation

  • Troubles de la conscience, convulsion, état de mal convulsif
  • FC > 100 bpm, PAD > 120 mmHg ou HoTA
  • Troubles du rythme, élargissement des QRS
  • Fièvre
  • Ischémie myocardique avec douleur thoracique persistante, troponine élevée
  • Body stuffers ou body packers symptomatiques

Critères de sortie du SAU

  • Etat de conscience et signes vitaux normaux après 6 heures d’observation
  • Body packers ou body stuffers ayant expulsés tous leurs paquets (2 selles sans boulettes) ou sans signe clinique de toxicité après 12 heures d’observation.
     

Mécanisme / description

  • Cocaïne : alcaloïde extrait de la feuille de coca
  • Chlorhydrate de cocaïne : obtenu par précipitation des extraits de coca par le carbonate de sodium et mis en solution chlorhydrique
  • Crack : chlorhydrate de cocaïne + bicarbonate de soude (= cocaïne base-free)
  • Métabolisme :
    • dégradation hépatique (métabolisée en norcocaïne, sympathomimétique actif) et plasmatique (métabolisée en ecgonine methyl ester, potentiellement neuroprotecteur)
    • hydrolyse non enzymatique formant du benzoïl ecgonine, vasoconstricteur, principal métabolite urinaire.
    • métabolisme cholinestérasique
    • demi-vie d’élimination : 1 heure
    • franchit la barrière placentaire
  • Pharmacodynamie :
    • sympathomimétique par libération de dopamine (=> excitation du SNC avec agitation), noradrénaline (=> vasoconstriction et HTA), adrénaline (=> augmentation de la contractilité myocardique, tachycardie) et sérotonine au niveau de la synapse terminale
    • de plus, inhibition de la recapture de ces neurotransmetteurs
    • anesthésique local par blocage de l’entrée de sodium au niveau des canaux sodiques neuronaux et cardiaques (si surdose) (=> équivalent d’un antiarythmique Ia => troubles de conduction myocardique)
    • effet stabilisant de membrane
       

Bibliographie

  • Mendelson JH, Mello NK. Management of cocaine abuse and dependence. N Engl J Med. 334 ;963-72, 1996.
  • Mégarbane B, Ekherian JM, Couchard AC, Goldgran-Toledano D, Baud F. La chirurgie au secours des body packers. Ann Fr Anesth Reanim 23:495-8, 2004
  • de Prost N, Lefebvre A, Questel F, Roche N, Pourriat JL, Huchon G, Rabbat A. Prognosis of cocaine body-packers. Intensive Care Med 31:955-8, 2005
  • Traub SJ, Hoffman RS, Nelson LS. Body packing–the internal concealment of illicit drugs. N Engl J Med 349:2519-26, 2003

Auteur(s) : Patrick PLAISANCE, Bruno MEGARBANE

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