Spécialité : pediatrie / toxicologie /
Points importants
- Ils ne sont réellement dangereux qu’en cas d’intoxication volontaire et massive
- Ne pas oublier la toxicité éventuelle du solvant (non inscrit sur l’emballage) : appeler un centre anti-poisons afin de connaître tous les ingrédients du produit commercial
- Récupérer l’emballage du produit (pour une éventuelle analyse ultérieure)
- Privilégier le traitement symptomatique des défaillances vitales
- Dilués dans un solvant hydrocarbure, le lavage gastrique est contre-indiqué, mais une aspiration gastrique est possible
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
- Délai d’apparition : en quelques minutes à une heure
- Cutanés : irritation, prurit, rougeur, conjonctivite
- Respiratoire, toux, bronchospasme, syndrome d’inhalation
- Digestifs : nausées, vomissements, douleurs abdominales
- Neurologiques, fatigue, céphalées
- Intoxication sévère : coma, convulsions, détresse respiratoire (SDRA)
CONTEXTE
Terrain
- Tentative de suicide, intoxication accidentelle
Facteurs de risque
- Enfants (barrière méningée plus perméable)
- Epilepsie
- Asthme
- BPCO
- Insuffisance respiratoire
Circonstances de survenue
- Intoxication par voie cutanée, digestive ou respiratoire : les signes apparaissent en moins d’une heure
EXAMEN CLINIQUE
- Signes locaux (éventuellement majorés par le solvant) :
- irritation cutanée et/ou oculaire
- rhinorrhée
- congestion nasale
- picotements de gorge
- toux
- bronchospasme
- Signes digestifs :
- vomissements
- douleurs abdominales
- diarrhée
- Signes neurologiques :
- agitation
- céphalées
- torpeur
- confusion
- ataxie
- tremblements
- convulsions possibles, puis coma avec dépression respiratoire (surtout en cas de solvant hydrocarbure)
- Signes neurologiques :
- dysesthésies (projection faciale) : dans les 30 min à 3h suivant l’exposition, au niveau de la joue et de la région périorbitaire (trijumeau). Elles disparaissent en 24h
- ataxie, fasciculations, convulsions possibles si intoxication importante
- coma avec dépression respiratoire (surtout en cas de solvant hydrocarbure)
- Signes cardio-vasculaires :
- collapsus
- troubles de l’excitabilité myocardique, surtout en cas d’hypoxie ou d’administration de catécholamines
- Pneumopathie d’inhalation, si le solvant est un hydrocarbure.
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
- ECG : troubles de l’excitabilité ventriculaire, surtout en cas d’hypoxie ou d’administration de catécholamines
CIMU
- Tri 1 à 4 en fonction de la gravité clinique
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
- NFS : hyperleucocytose (pneumopathie d’inhalation ?)
- Ionogramme sanguin : hyperkaliémie (rhabdomyolyse sur EDM convulsif)
- Urée, créatinine : atteinte rénale secondaire à une rhabdomyolyse
- Gaz du sang : acidose respiratoire ou métabolique (convulsions), hypoxie, hypercapnie (détresse respiratoire)
IMAGERIE
- Radio Pulmonaire : pneumopathie d’inhalation, SDRA
- Scanner cérébral : éliminer une autre cause de convulsions répétées
Diagnostic étiologique
- Le dosage des pyréthrinoïdes est inutile
Diagnostic différentiel
INTOXICATION LEGERE
Importance de l’anamnèse
- Irritation cutanée : allergie
- Signes respiratoires : crise d’asthme
- Signes neurologiques : névralgie du trijumeau, intoxication par un autre insecticide convulsivant
INTOXICATION GRAVE
Importance de rechercher les signes spécifiques
- Les causes d’état de mal épileptique
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
- Décontamination cutanée
- Bronchospasme : traitement symptomatique et surveillance pendant 6 heures aux urgences
- Traitement symptomatique des défaillances graves :
- coma : intubation et ventilation
- convulsions : clonazépam (Rivotril) (dose de charge : 1 à 3 mg chez l’adulte, 0,015 à 0,03 mg/kg chez l’enfant)
- inhalation bronchique : hospitalisation de 24 h pour traitement et surveillance de l’évolution (pneumopathie extensive possible)
- transfert en réanimation
Suivi du traitement
- Intoxication légère (irritation simple, sans bronchospasme ni signe de gravité): surveillance pendant 2 heures au domicile ou aux urgences
- Bronchospasme : traitement symptomatique et surveillance pendant 6 heures aux urgences
- Prévenir la réanimation si : troubles de la conscience, convulsions, détresse respiratoire, troubles du rythme ventriculaires
- Si rhabdomyolyse : Réhydratation au NaCl 0,9%, alcalinisation avec bicarbonates 1,4%,
- Si état de mal convulsif : intubation et ventilation, benzodiazépines puis barbituriques en deuxième intention (plus efficaces que la phénytoïne sur les convulsions liées à une inhibition GABA) :
- 3-5 mg/kg puis 50 mg/5 min (adulte)
- puis 1 à 5 mg/kg/h (adulte) / 1-3 mg/kg/h (enfant)
- Si troubles ECG évocateurs d’hypersensibilité aux catécholamines : bêtabloquants en l’absence de contre-indication :
- propranolol (Avlocardyl, Hemipralon LP, Inderal) : 2,5 mg en IV lente, puis 0,5 – 1 mg/h en continu si nécessaire
- Ne pas de donner de lipide (augmentation de l’absorption digestive)
Surveillance
CLINIQUE
- Evolution des troubles de la conscience (score de Glasgow) toutes les heures, pendant 24 h
- Conscience, T°, PA, FC/ h
- Scope
- ECG
- Si possible EEG continu en réanimation en cas d’EDM convulsif
PARACLINIQUE
- NFS, ionogramme sanguin, enzymes cardiaques, gazométrie, amylasémie
- Radio Pulmonaire : si pneumopathie d’inhalation, OAP
- EEG réguliers en cas de convulsions
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
- UHCD : tout patient intoxiqué présentant un bronchospasme, une pneumopathie d’inhalation, ou des signes neurologiques (paresthésies), pendant au moins 6 heures, mais ne présentant pas de caractère de gravité
- USC ou réanimation :
- troubles de la conscience
- convulsions
- OAP, Troubles du rythme cardiaque
Mécanisme / description
METABOLISME
- Esters d’acides pyréthroïques et chrysantémiques (le pyrèthre est une oléorésine de la fleur de chrysanthème séchée)
- Très lipophiles, ils sont rapidement absorbés au niveau cutané (peau intacte), respiratoire et digestif
- La distribution est au niveau de tous les organes
- Le métabolisme est digestif (hydrolyse) puis hépatique (oxydation par le système de la mono-oxygénase microsomiale)
- L’élimination est urinaire, avec une demi-vie variable selon les composés, mais au maximum de quelques jours
TOXICODYNAMIE
- Affinité principale pour les canaux sodiques, avec augmentation de l’influx sodique
- Les études sur l’animal ont permis de différentier deux principaux types de pyréthrinoïdes :
- type I (perméthrine,…) : induisent un « syndrome T » chez l’animal :
- prolongent la durée d’ouverture du canal Na+ et donc la durée de dépolarisation
- sont responsables de paresthésies, voire de paralysies
- type II (deltaméthrine, fenvalérate…) : induisent un « syndrome CS » chez l’animal :
- prolongent la durée d’ouverture du canal Na+ de façon plus prolongée, et inhibent le canal Cl- (et donc le GABA)
- sont responsables d’ataxie, choréo-athétose, hypersalivation, convulsions
- certains composés induisent les deux syndromes
- type I (perméthrine,…) : induisent un « syndrome T » chez l’animal :
Bibliographie
- Bradberry SM, Vale JA. Organophosphorus and carbamates insecticides. In: Critical care toxicology: diagnosis and management of the critically poisoned patient. Jeffrey Brent et al eds. Elsevier Mosby, Philadelphia 2005: 937-945
- Jarlet E, Bédry R et al. Incidence et caractéristiques des intoxications graves au méthomyl (carbamate anticholinestérasique) à l’île de la Réunion. Réanimation et Urgences 2000, 9: 177-184
- Philips SD. Organochlorine, Pyrethrin, and Pyrethroid Insecticides. In: Critical care toxicology: diagnosis and management of the critically poisoned patient. Jeffrey Brent et al eds. Elsevier Mosby, Philadelphia 2005: 929-936
- Eddleston M, Buckley NA, Eyer P, Dawson AH. Management of acute organophosphorus pesticide poisoning. Lancet 2008; 371:597-607.
- Pawar KS, Bhoite RR, Pillay CP, Chavan SC, Malshikare DS, Garad SG. Continuous pralidoxime infusion versus repeated bolus injection to treat organophosphorus pesticide poisoning: a randomised controlled trial. Lancet 2006; 368:2136-41
Auteur(s) : Régis BEDRY
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