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Intoxication : opiacées

Spécialité : pediatrie / toxicologie /

Points importants

  • Deux formes d’intoxication : toxicomanie ou surdosage thérapeutique
  • Seules les opiacés naturels positivent les tests de dépistage urinaire rapide
  • Triade coma + myosis + bradypnée pathognomonique
  • Le risque vital est secondaire à la dépression respiratoire
  • Un antidote : naloxone (Narcan). Attention au sevrage secondaire

Présentation clinique / CIMU

TOXIQUE EN CAUSE

  • Opiacé naturel (détection +) : héroïne, morphine, codéine, codéthyline, pholcodine
  • Opioïde (détection -) : méthadone, buprénorphine, dextropropoxyphène, tramadol, fentanyl, sufentanil, remifentanil, alfentanil
  • Attention :
    • association fréquente héroïne avec strychnine ou cocaïne
    • le dextropropoxyphène possède un effet stabilisant de membrane
  • Les alpha 2-mimétiques présynaptiques (clonidine [Catapressan]) donnent le même tableau clinique que les opiacés

SIGNES FONCTIONNELS

  • Trouble neuropsychique :
    • baisse de vigilance
    • coma (associé à l’hypoxie)
  • Pulmonaire :
    • bradypnée (parfois détresse respiratoire)

CONTEXTE

2 types d’intoxications

  • Surdosage : âges extrêmes (enfant, vieillard), post opératoire, terrain débilité (insuffisance rénal/hépatique)
  • Toxicomanie :
    • toxicomanie IV (trace d’injection, circonstance de découverte). Impureté des drogues employées
    • bodypacker (transport intra-corpore de drogues) : rupture de boulettes

Antécédents

  • VIH, hépatite C
  • Insuffisance rénale/hépatique
  • Co-intoxication, pathologie psychiatrique

EXAMEN CLINIQUE

Toxidrome opioïde

  • Coma calme hypotonique
  • Myosis serré
  • Bradypnée (tramadol : pas de bradypnée)

Pulmonaire

  • Possible OAP lésionnel secondaire à la voie IV lié à l’impureté de l’héroïne. 1ere cause d’OAP chez le patient < 40 ans. Parfois associé à une insuffisance ventriculaire gauche
  • Pneumopathie d’inhalation
  • Les atteintes pulmonaires peuvent masquer la bradypnée par un syndrome de détresse respiratoire

Syndrome infectieux

  • Pulmonaire : pneumopathie d’inhalation, abcès pulmonaires (embols septiques d’origine périphérique)
  • Cardiaque : endocardite du coeur droit (rechercher un souffle d’insuffisance tricuspide)
  • Cutané : abcès aux points d’injections (phlébite suppurée)

Examen général

  • Recherche de point de compression.

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

Dépistage urinaire

  • Dosage semi-quantitatif qui n’identifie que les opiacés naturels (morphine, 6-mono-acétyl-morphine, codéine, pholcodine, codéthyline)
  • Ne reconnaît pas les opioïdes de synthèse (buprénorphine, méthadone, tramadol, dextropropoxyphène, fentanyl)
  • Dépistage urinaire d’autres toxiques dans un but épidémiologique ou pour connaître les consommations associées de stupéfiants

ECG

  • Recherche d’un effet stabilisant de membrane pour le dextropropoxyphène

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • NFS : polynucléose neutrophile (complication infectieuse)
  • GDS : hypoxie/hypercapnie (hypoventilation, pneumopathie d’inhalation)
  • CRP : Infection
  • Hémocultures
  • Prélèvements pulmonaires si inhalation (documentation bactériologique)

IMAGERIE

Radio de thorax

  • OAP
  • Pneumonie d’inhalation
  • Abcès pulmonaires

ASP/scanner abdominal si suspicion de bodypacker

  • Recherche et comptage des boulettes

Echographie cardiaque (selon contexte)

  • Recherche d’une insuffisance cardiaque gauche ou d’une endocardite

Echo doppler des membres supérieurs/inférieurs (selon contexte)

  • Recherche d’une phlébite aux points d’injections

Diagnostic différentiel

BRADYPNEE

  • Acidose métabolique
  • Origine neurologique (AVC)
  • Obstacle laryngé
  • Toxiques avec dépression centrale de la respiration (barbiturique rapide, cyanure, gamma-hydroxy-butyrate)

MYOSIS

  • Anticholinestérasique (organoposphorés)
  • Certains neuroleptiques

COMA

  • AVC
  • Encéphalopathie anoxique
  • Autre toxique psychotrope (benzodiazépines)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Toute intoxication aux opiacés présentant une détresse respiratoire, une inhalation ou une hypoxémie (cyanose) doit être intubée ventilée
  • Large voie d’abord veineuse (NaCl 0,9% 1500 mL/j)
  • Scope
  • Si bodypacker : prévenir l’équipe chirurgicale
  • Traitement antidotique : Naloxone (Narcan) :
    • antagoniste pur (pas d’effet intrinsèque) des récepteurs opioïdes
    • il peut être utilisé comme moyen diagnostic (dose test) ou thérapeutique (entretien en seringue électrique)
    • il peut être associé au Flumazénil (Anexate) en cas de co-intoxication par benzodiazépines
    • la perfusion d’une dose trop importante de Naloxone peut entraîner un syndrome de sevrage
    • en cas de complication respiratoire l’intubation et la ventilation mécanique doivent être privilégiées
    • la buprénorphine (Temgesic ou Subutex) n’est pas reversée par la naloxone mais possible effet du flumazénil, si association à une benzodiazépine

Suivi du traitement

  • Charbon activé 50 g si intoxication vue précocement (dans les 2 h) ou morphinique à libération prolongée. Ne pas administrer si trouble de la conscience ou de la déglutition
  • Complications pulmonaires : ventilation mécanique, prise en charge en réanimation :
    • si inhalation : antibiothérapie probabiliste après prélèvement bactériologique => Augmentin 1 gr x 3/j
    • si OAP : déplétion si signe de surcharge à l’échographie => Lasilix 40 mg IV
    • si abcès pulmonaire : forte probabilité présence staphylocoque doré ou d’anaérobies => Antibiothérapie probabiliste par Augmentin
  • Complications infectieuses :
    • si endocardite : hémoculture répétée, forte probabilité de Staphylocoque doré ou de Candida albicans
    • si abcès cutané : parage et lavage (avis chirurgical)
  • Prise en charge des bodypackers :
    • pas d’endoscopie (risque de rupture)
    • si asymptomatique :
      • huile de paraffine 15 mL toutes les 6 h
      • polyéthylène glycol 4 L/j jusqu’à évacuation des boulettes
    • si symptomatique (syndrome opioïde ou occlusion) :
      • traitement chirurgical en urgence pour évacuation

MEDICAMENTS

Schéma thérapeutique de la naloxone

  • Privilégier la voie IV. Le délai d’action est de 1-2 min
  • Dose test : la première dose est de 0,4 mg avec une titration de 0,1 mg toute les min. pour obtenir une levée de la bradypnée (FR > 15 /min) avec une certaine amélioration de l’état de vigilance sans nécessité d’obtenir un réveil franc
  • S’il n’existe pas de réponse ou une réponse incomplète : diagnostic différentiel :
    • co-intoxication : si benzodiazépine => test Flumazénil, sinon intubation
    • coma post-anoxique => intubation
  • Dose entretien : naloxone = demi vie courte (30 min) => entretien en seringue électrique :
    • dose initiale : la vitesse de perfusion horaire est égale au bolus initial permettant le réveil (bolus de 0,5 mg => entretien de 0,5 mg/h)
    • adaptation : toute les 4 h surveillance :
      • de la tolérance (syndrome de sevrage : tachycardie, syndrome douloureux, agitation)
      • de l’efficacité (réapparition de signe toxique)
    • le sevrage de l’antidote se fait par baisse progressive de la vitesse de perfusion (de 0,1 mg/h par 0,1 mg/h) adapté à la tolérance et à l’efficacité

Traitements spécifiques

  • Buprénorphine : antagonisation possible par flumazénil, si co-ingestion de benzodiazépines, selon le même protocole que les intoxications par benzodiazépine
  • Dextropropoxyphène : effet stabilisant de membrane pour des doses toxiques > 500 mg chez l’adulte. La prise en charge est la même que pour les anti-arythmiques. Les doses de naloxone nécessaire pour antagoniser les effets toxiques sont nettement plus élevées que pour les autres morphiniques

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, Température, FR, PA, FC, SpO2/h
  • Scope
  • Surveillance des selles et du nombre de boulette déféquées

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Transport aux urgences si réponse positive à la naloxone et aucune complication
  • Transport direct en réanimation si complication et intubation

EN INTRAHOSPITALIER

Critère d’admission en réanimation

  • Nécessité d’intubation ventilation
  • Pneumopathie d’inhalation
  • Abcès pulmonaire
  • Endocardite
  • Bodypackers
  • Surdosage chez le patient âgé (insuffisance rénale/hépatique) ou l’enfant

Critère de sortie

  • Sevrage de la naloxone depuis plus de 4 h avec Glasgow à 15 et FR > 15/min
  • Absence de complication infectieuse
  • Evaluation psychiatrique si tentative d’autolyse ou orientation vers unité d’addictologie

Mécanisme / description

  • L’action biologique des opioïdes résulte de leur fixation sur les récepteurs mu, delta et kappa
  • Les opioïdes ont un rôle de neuromodulateurs et aboutissent le plus souvent à une diminution de la sécrétion de neurotransmetteurs excitateurs
  • Le métabolisme est essentiellement hépatique. Divers mécanismes sont impliqués :
    • glucuroconjugaison : dérivés M3G, M6G, M3,6G
    • sulfoconjugaison : dérivés M3S, M6S, M3,6 S
    • N-deméthylation : normorphine, codéine et norcodéine
  • Le dérivé M3G, faiblement actif, est quantitativement le principal métabolite
  • Le dérivé M6G a une action analgésique supérieure à la morphine (x13). Sa présence explique l’apparition d’une dépression respiratoire prolongée en cas d’insuffisance rénale (longe ½ vie élimination)
  • Elimination : Elle est essentiellement rénale sous formes glucuro-conjugués

Bibliographie

  • Mégarbane B, Donetti L, T. Blanc T, Chéron G, Jacobs F, groupe d’experts de la SRLF. Intoxications graves par médicaments et substances illicites en réanimation. Réanimation 2006; 15: 332-42
  • Mégarbane B, Baud F. Intoxications aiguës médicamenteuses. In: P Godeau. Traité de Médecine, Flammarion, 2004, 3168-78
     

Auteur(s) : Pierre BRUN

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