Adulte
Spécialité : gynécologie / symptômes /
Points importants
En France, les hémorragies péri-partum qui menacent la vie de la parturiente représentent 0,1% des grossesses
Parmi ces hémorragies, le post-partum représente 61%
90% des décès par hémorragie pourraient être évités
Situation trompeuse survenant en général précocement au moment de l’accouchement, avec souvent l’absence de facteur de risque évident
Diagnostic tardif, évaluation clinique difficile et mise en jeu du pronostic vital
Définition : hémorragie > 500 mL dans les 24h après l’accouchement
En pratique : hémorragie estimée supérieure à la normale ou avec un retentissement clinique (malaise, retentissement hémodynamique, coagulopathie…)
Certaines hémorragies peuvent être très tardives (un mois)
SIGNES FONCTIONNELS
Généraux
Hypovolémie souvent bien tolérée au début (femme jeune, bonne tolérance fréquente d’un saignement de 500 voire 1000 mL)
Spécifiques
Hémorragie génitale extériorisée à évaluer avec la mise en place d’un sac de recueil des pertes après la naissance de l’enfant (pour ne pas fausser le volume avec l’urine ou le liquide amniotique)
Se méfier d’une rétention de sang ou de caillots intra-utérins
CONTEXTE
Terrain
Age élevé
Grossesse multiple
Catégorie sociale défavorisée
Délivrance tardive (> 30 min)
Hématome rétroplacentaire
Placenta praevia, accreta ou percreta
Rupture utérine
Episiotomie
Traumatisme de la filière génitale ou du périnée pendant l’accouchement…
Facteurs de risque
Souvent pas de facteur de risque évident
EXAMEN CLINIQUE
Recherche de signes de mauvaise tolérance hémodynamique (tachycardie, HoTA, marbrures, froideur des extrémités) ou clinique (trouble de la conscience)
Hémorragie génitale
Palpation utérine pour évaluer la tonicité utérine
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
Hémoglobine capillaire à répéter
CIMU
Tri 1 à 3
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
NFS : recherche d’une anémie, ou d’une thrombopénie entrant dans le cadre d’une coagulopathie de consommation
Hémostase complète avec fibrinogène : chute du TP et du fibrinogène
Groupe, Rhésus et RAI
Diagnostic étiologique
Hémorragies de la délivrance (rétention placentaire, hypotonie utérine) ou non liées à la délivrance (lésions cervico-vaginales, épisiotomie hémorragique, lésions du périnée, coagulopathie)
Hémorragies tardives (> 3 à 30 j) :
inertie utérine isolée
rétention de débris placentaire (diagnostiquée par une échographie pelvienne)
endométrite hémorragique :
apparaît plus de 3 jours après l’accouchement
associe des douleurs pelviennes, une fièvre, des lochies malodorantes, un utérus mou et non involué)
retour de couches hémorragique :
lié à une carence en oestrogènes
apparaît brutalement plusieurs semaines après l’accouchement
examen pauvre : pas de fièvre, pas de douleur, utérus involué, col utérin fermé, pertes qui ne sont pas malodorantes
placenta percreta ou accreta (parfois réséqué que partiellement lors d’une césarienne et responsable d’une hémorragie secondaire)
contraception progestative micro-dosée en post-partum
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
En dehors des hémorragies tardives qui sont confiées à un gynécologue ou d’une cause non liée à la délivrance et qui serait facilement identifiable, l’hémorragie précoce du post-partum doit au tout début être considérée comme une hémorragie de la délivrance
Prévention : 5 principes :
vider la vessie
ne jamais tirer sur le cordon ou le placenta
retirer hors de la filière génitale les caillots et le placenta uniquement s’il est décollé
masser le fond utérin
utérotoniques : oxytocine (Syntocinon) 5 U IVD lente après l’expulsion de l’enfant et au plus tard dans la minute qui la suit
Délivrance artificielle si non faite au bout de 30 min
Après délivrance :
oxytocine 10 U dans 250mL en 20 à 30 min
massage du fond utérin continu, à défaut compression externe par un « sac de sable »
Traitement d’un choc hémorragique
En cas de persistance de l’hémorragie :
rechercher une cause anatomique d’hémorragie du post-partum :
contrôler minutieusement l’épisiotomie
puis examiner sous valves la filière génitale
s’assurer de la vacuité utérine :
une révision utérine peut être nécessaire
un professionnel de l’obstétrique (obstétricien, sage-femme) est souvent le plus apte à la réaliser
une sédation est nécessaire
en l’absence de cause anatomique et si la vacuité utérine est certaine, considérer qu’il s’agit d’une hémorragie de la délivrance et utiliser le sulprostone (Nalador 500 µg en 1h par paliers progressifs de 100 µg/h) ; il est souhaitable d’en poser l’indication avec un obstétricien référent ; ne pas utiliser d’oxytocine simultanément mais seulement en relais avec 10 à 20 U en 6h
Dérivés sanguins si nécessaire :
transfusion de culots sanguins pour maintenir une hémoglobine entre 7 et 10 g/dL tant que l’hémorragie persiste
plasma frais congelé en cas de trouble de l’hémostase associé (penser aussi à une coagulopathie primitive ou secondaire à la consommation des facteurs)
transfusion de concentrés plaquettaires recommandée en cas de thrombopénie < 50 G/L
Suivi du traitement
Tonicité utérine (palpation d’un globe ferme)
Recherche d’un saignement
Prélèvement sanguin précoce si possible (groupage, anticorps, numération, coagulation)
MEDICAMENTS
Oxytocine (Syntocinon)
Contre-indications :
hypersensibilité à l’un des composants
dystocies
fragilité ou distension excessive de l’utérus
hypertonie utérine ou souffrance foetale quand l’accouchement n’est pas imminent
troubles cardiovasculaires et toxémie gravidique sévères
prédisposition à l’embolie amniotique (mort foetale in utero, hématome rétroplacentaire)
placenta prævia
peu de réelles contre-indications juste après l’accouchement
Posologie :
5 U IVD lente après l’expulsion de l’enfant et au plus tard dans la minute qui la suit
après délivrance 10 UI dans 250 mL sur 20 à 30 min
poursuite de l’oxytocine en perfusion ou en bolus de 5 U sans dépasser 40 U (risque de surcharge hydrique et d’hyponatrémie)
Sulprostone (Nalador)
Contre-indications (relatives en cas de mise en jeu du pronostic vital) :
utérus cicatriciel
antécédents et affections cardiovasculaires (angine de poitrine, syndrome ou maladie de Raynaud, troubles du rythme, insuffisance cardiaque, HTA)
lésions cardiaques préexistantes (même en l’absence de signes de décompensation)
bronchite asthmatiforme aiguë ou antécédents d’asthme sévère
antécédents thromboemboliques (embolie pulmonaire, phlébite)
troubles graves de la fonction hépatique ou rénale
diabète décompensé
thyréotoxicose
thalassémie, drépanocytose
Se méfier des effets secondaires : spasme coronarien, hypertension artérielle pulmonaire, bronchoconstriction
Posologie :- 100 à 500 µg en 1h par paliers progressifs de 100 µg/h selon l’efficacité et la tolérance clinique
- ne pas dépasser 1500 µg
Surveillance
CLINIQUE
PA, FC, FR, SpO2, diurèse horaire
Quantification des pertes hémorragiques
Tonicité utérine
PARACLINIQUE
NFS
Bilan d’hémostase
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
Lors d’une prise en charge extrahospitalière d’une hémorragie précoce du post-partum, l’admission rapide en salle de naissance doit être favorisée
Les équipes obstétricale et anesthésique doivent être prévenues
Le choix du service receveur est fait en fonction des contraintes géographiques (délais de transport, maternité de suivi), du plateau technique (niveau de maternité, accessibilité aux dérivés sanguins, réanimation, embolisation radiologique…) et de l’état clinique de la patiente
Les hémorragies tardives relèvent exceptionnellement de la réanimation et sont confiées à un gynéco-obstétricien
Bibliographie
Collège National des Gynécologues Obstétriciens de France, Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé – Haute Autorité de Santé : Recommandations pour la Pratique Clinique sur les hémorragies du post-partum immédiat. J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 suppl (8) 4S1-4S136
Bagou G. Hémorragies de la délivrance. Congrès National Urgences 2006, Paris. Editions Scientifiques LC, 2006, 207-216
Recommandations formalisées d’experts SFAR-SFMU : urgences obstétricales extrahospitalières, 2010
Auteur(s) : Gilles BAGOU
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