Encéphalopathie hépatique

Spécialité : metabolisme /

Points importants

  • Principale cause de trouble de la conscience chez le patient cirrhotique
  • C’est une encéphalopathie métabolique dont les manifestations ne sont pas spécifiques de l’insuffisance hépatique
  • Les causes les plus fréquentes sont les hémorragies digestives, les infections bactériennes et la prise de médicaments sédatifs
  • Le traitement repose sur la correction du facteur déclenchant et l’éviction des facteurs précipitants
  • En cas d’insuffisance hépatique aigue, l’encéphalopathie est un signe de gravité
     

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Troubles neuropsychiques

  • Troubles de la conscience allant de l’obnubilation au coma
  • Ralentissement psychomoteur fréquent
  • Parfois hyperactivité psychomotrice
  • Troubles du sommeil avec inversion du rythme nycthéméral

CONTEXTE

Terrain

  • Cirrhose connue ou suspectée
  • Alcoolisme chronique
  • Toutes maladies du foie

EXAMEN CLINIQUE

Général

  • Fièvre
  • Foetor hepaticus (odeur de fruit pourri)
  • HoTA (hypovolémie, notamment sous diurétiques)
  • Hippocratisme digital (en faveur de cirrhose)

Neurologique

  • Confusion
  • Asterixis (flapping tremor)
  • Hypertonie extrapyramidale
  • Signe de Babinski
  • Signes de localisation
  • Anomalies des paires crâniennes (notamment pupillaires)
  • Convulsions
  • Stupeur
  • Discours inapproprié
  • Coma
  • L’encéphalopathie hépatique est classée, selon Conn et Lieberthal en 4 stades :
    • I : Asterixis, discrète confusion
    • II : Somnolence, désorientation temporo-spatiale
    • III : Somnolence importante amnésie, parole incompréhensible
    • IV : coma

Abdominal (signes de cirrhose, d’hypertension portale)

  • Hépatomégalie
  • Ascite
  • Circulation veineuse collatérale
  • Hématémèse (pose d’une sonde gastrique en cas de doute)
  • TR : Méléna ou rectorragie

Cutané

  • Angiomes stellaires
  • Ictère
  • Hématomes notamment du scalp (chute ? traumatisme crânien ?)

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • BU : infection urinaire
  • ECG : Tachycardie (sepsis, anémie) Attention à une FC normale chez le cirrhotique sous bêta bloquants
  • Sonde nasogastrique : Si doute sur une hémorragie digestive haute
  • Glycémie capillaire (hypoglycémie)
  • Hémoglobine capillaire

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de la gravité clinique
     

Signes paracliniques

  • Pour l’évaluation du retentissement de l’encéphalopathie et non pour la confirmer

BIOLOGIQUE

  • NFS
  • Ionogramme sanguin : montre souvent une hyponatrémie d’inflation, une acidose métabolique organique, parfois hypokaliémie (si vomissements)
  • Glycémie
  • Créatinine
  • Bilan hépatique complet (ASAT, ALAT, gamma-GT, phosphatases alcalines, bilirubine totale, libre et conjuguée)
  • Taux de prothrombine, facteur V
  • Phosphorémie (une hypophosphorémie profonde peut être responsable d’encéphalopathie hépatique)
  • Ammoniémie : est élevée, son taux n’est pas corrélé à la sévérité de l’encéphalopathie
  • Hémocultures si fièvre
  • Ponction d’ascite exploratrice avec asciculture
  • Alcoolémie (si doute avec une ivresse)

RADIOLOGIQUES

  • Radiographie de thorax de face et profil (foyer infectieux)
  • Scanner cérébral notamment si signes de localisation, hématomes ou plaies du scalp ou de la face
  • Echographie abdominale : en l’absence d’autres causes, recherche de voies de dérivations porto-systémiques, de thrombose portale
  • L’EEG peut être utile en cas de doute sur des crises convulsives infracliniques
     

Diagnostic étiologique

  • Facteur de décompensation

INFECTION BACTERIENNE

  • Infection du liquide d’ascite
  • Pneumopathie infectieuse
  • Infection urinaire

HEMORRAGIE DIGESTIVE

  • Hématémèse ou méléna
  • Déglobulisation ou anémie
  • Impose la réalisation d’une endoscopie digestive haute

TROUBLES METABOLIQUES

  • Hyponatrémie (< 120 mmol/L pour expliquer l’encéphalopathie hépatique)
  • Hypoglycémie (attention chez les patients sous hypoglycémiants, une encéphalopathie hépatique peut persister après la correction de l’hypoglycémie)
  • Déshydratation
  • Insuffisance rénale : Diurétiques, hypovolémie, syndrome hépatorénal

 PRISE DE MEDICAMENTS

  • Sédatifs
  • Attention aux neuroleptiques « cachés » (tel que le métoclopramide)

AUTRES

  • Hépatite alcoolique aiguë

Diagnostic différentiel

  • Lésion organique intra crânienne (AVC, hématome sous ou extradural)
  • Méningite
  • Abcès cérébral
  • Ivresse
  • Encéphalopathie de Gayet-Wernicke
     

Traitement

STABILISATION INITIALE

Traitement du facteur précipitant

  • Infection : antibiothérapie
  • Hémorragie digestive : médicament vasoactif et/ou hémostase endoscopique
  • Troubles hydroélectrolytiques ± déshydratation ± insuffisance rénale (diurétiques) : correction des troubles métaboliques, arrêt des diurétiques
  • Prise de médicaments sédatifs : arrêt de ces médicaments

Traitement non spécifique

  • Hydratation 1,5 à 2 L de NaCl 0,9%
  • Vitamine B1 et vitamine B6
  • Arrêt des diurétiques
  • Eviter les sédatifs
  • Si convulsions : Valproate de sodium, sinon phénytoïne, éviter les benzodiazépines et les barbituriques
  • Si troubles de la vigilance peu sévère : position ½ assise et sonde nasogastrique pour diminuer les risques d’inhalation
  • Si troubles sévères de la vigilance : voir ventilation mécanique après intubation orotrachéale, sédation par benzodiazépines et morphiniques

Traitement spécifique

  • Traitement à visée anti-ammoniaque :
    • plusieurs moyens thérapeutiques ont été utilisés pour diminuer le taux sanguin d’ammoniaque, mais leur efficacité sur l’encéphalopathie hépatique n’a été clairement démontrée pour aucun de ces moyens
    • à titre de citation, sans être recommandés, ces traitements anti-ammoniaque sont :
      • lactulose (disaccharide non absorbable) : capacité à inhiber la production bactérienne d’ammoniaque et à « trapper » l’ammoniaque dans la lumière digestive, mais, en provoquant une diarrhée, ils peuvent provoquer une déshydratation voire insuffisance rénale
      • antibiotiques non absorbables : théoriquement diminuent le nombre de bactéries digestives à l’origine de production d’ammoniaque. Les plus utilisés sont la néomycine, le métronidazole, la rifamycine
      • autres substances : le benzoate de sodium, la L-ornithine-L-aspartate, la lévocarnitine et l’acarbose
  • Traitements visant à corriger les altérations de la neurotransmission :
    • flumazénil : antagoniste spécifique des benzodiazépines, doit être administré en continu, n’est pas systématique, efficace dans les cas où le facteur précipitant est la prise de benzodiazépines
    • les substances dopaminergiques sont inefficaces (levodopa, bromocriptine)
  • Epuration extra-hépatique : Système MARS, SPAD, Prometheus, sont peu évalués, intéressant pour les patients pour lesquels une transplantation hépatique est envisagée à court terme
  • Transplantation hépatique :
    • une transplantation hépatique peut être indiquée lorsqu’il existe des épisodes itératifs d’encéphalopathie hépatique spontanée, sans facteur déclenchant retrouvé ou en cas d’encéphalopathie chronique
    • dans la majorité des cas, elle s’accompagne d’une disparition complète et définitive de l’encéphalopathie
    • chez quelques patients transplantés pour encéphalopathie chronique, il peut persister des troubles neurologiques

SUIVI DE TRAITEMENT

  • Poursuite du traitement étiologique
  • Lutte contre l’hyperthermie par refroidissement externe (pas de paracétamol)
  • Hydratation suffisante
     

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience
  • FC, PA
  • Température
  • Diurèse
  • Hémoglobine capillaire

PARACLINIQUE

  • NFS
  • Ionogramme sanguin
  • TP
  • Bilan hépatique
     

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

  • Une hospitalisation est systématique sauf dans quelques très rares cas (encéphalopathie hépatique chronique, contact avec le médecin réfèrent du patient, du médecin traitant et famille comprenant bien la surveillance)
  • L’admission en réanimation se fait essentiellement sur des critères de défaillance neurologique (stade 3 ou 4)
  • Il semble à priori déraisonnable d’avoir recours à des techniques de réanimations lourdes et invasives chez des cirrhotiques ayant une insuffisance hépatique majeure (TP ou facteur V < 30%) et irréversibles avec des complications aigues non iatrogènes
  • Dans tous les autres cas, toutes les manoeuvres de réanimation sont justifiées
     

Mécanisme / description

  • Les mécanismes conduisant à l’encéphalopathie hépatique sont complexes et incomplètement connus
  • Ils font intervenir une augmentation de perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, l’action de substances neurotoxiques, notamment l’ammoniaque, ainsi que des perturbations de la neurotransmission
  • Quelque soit sa gravité, l’encéphalopathie hépatique est potentiellement réversible
     

Bibliographie

  • Urgences médicochirurgicales de l’Adulte ; Carli, Riou, Tellion, Editions Arnette
  • Troubles de la vigilance chez le cirrhotique, F. Durand, Urgences 2000, Congrès de Lille
  • Encéphalopathie hépatique : Comment optimiser la prise en charge en réanimation ? Francoz C., Réanimation (2007) 16, 498-503
  • Management of hepatic encephalopathy in patients with cirrhosis, Wright G, Best Practice & Research Clinical Gastroenterology (2007) 21 issue 1, 95-110
  • Treatment of hepatic encephalopathy, New England Journal of Medicine (1997) 337 issue 7, 473-479

Auteur(s) : Sébastien BEAUNE

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