Intoxication : insuline

Spécialité : toxicologie /

Points importants

  • Intoxication rare mais sévère avec risque de séquelles neurologiques ou de décès
  • Urgence diagnostique et thérapeutique
  • Intoxications accidentelles, volontaires ou criminelles et pouvant être observées à tout âge
  • A côté des formes comateuses, il existe des formes trompeuses qui peuvent retarder le traitement spécifique
  • Les manifestations cliniques ne sont pas corrélées aux valeurs glycémiques ou aux concentrations plasmatiques d’insuline
  • Le traitement consiste en l’administration précoce et prolongée de glucose hypertonique
  • Il existe des populations à risque :
    • sujet diabétique
    • entourage du diabétique
    • personnel médical ou paramédical

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Troubles neuropsychiques

  • Nervosité
  • Vertiges, fringale, sueurs
  • Anxiété
  • Etat confusionnel
  • Agitation
  • Agressivité
  • Déficits focaux
  • Tremblements
  • Coma (profond hypotonique au stade ultime)
  • Myoclonies et rigidité de décérébration
  • Convulsions, état de mal convulsif

Cardio-vasculaires

  • Douleurs thoraciques
  • Palpitations
  • Décès

Pulmonaire

  • Polypnée

CONTEXTE

Terrain

  • Diabétique insulino-traité quel que soit son âge
  • Syndrome de Münchhausen
  • Syndrome de Münchhausen par procuration

Antécédents

  • Rechercher des intoxications volontaires antérieurement
  • Alcoolisme, dénutrition ou tumeur

Traitement usuel

  • Traitement par bêtabloquants

Circonstances de survenue

  • Quelle voie d’administration (sous-cutanée, IV, IM ?)
  • Le patient a-t-il pris d’autres toxiques ? :
    • antidiabétiques oraux
    • β-bloquants
    • alcool
    • dextropropoxyphène
    • IMAO
    • salicylés
    • clofibrate
    • fenfluramine
    • tétracyclines
    • inhibiteur de l’enzyme de conversion (augmente la sensibilité à l’insuline)
  • Tentative de suicide
  • Accidentelle
  • Mésusage
  • Mauvaise compliance
  • Criminelle

EXAMEN CLINIQUE

Syndrome adrénergique (par ordre de fréquence décroissante)

  • Sueurs
  • Tremblements
  • Fringale
  • Anxiété
  • Palpitations
  • Troubles vasomoteurs
  • Peut faire défaut chez le diabétique avec neuropathie végétative

Neurologique

  • Agitation
  • Dysarthrie
  • Mydriase
  • Tremblements
  • Céphalées
  • Paresthésies
  • Trismus
  • Diplopie
  • Myoclonies
  • Irritation pyramidale (Babinski bilatéral)
  • Coma agité ou calme aréflexique et sans sueurs
  • Convulsions ou état de mal convulsif
  • Syndrome déficitaire transitoire (épilepsie, Bravais-Jacksonienne, hémiparésie, monoplégie, paralysie faciale)
  • Encéphalopathie chronique (post-hypoglycémique)
  • Cardiovasculaire
  • Douleur thoracique (syndrome coronarien aigu)
  • Myocardite (de stress)
  • HTA puis HoTA, collapsus
  • OAP
  • Arythmie, bradycardie

Pulmonaires

  • Mesurer la FR

Dermatologique

  • Pâleur
  • Point de ponction supposé (sous-cutané)
  • Lipodystrophies insuliniques

Psychiatrique

  • Asthénie marquée
  • Confusion intellectuelle
  • Comportement bizarre
  • Troubles du caractère
  • Refus de resucrage
  • Hébétude
  • Baisse de l’attention
  • Anxiété
  • Hallucinations visuelles ou olfactives
  • Agressivité, colère clastique

Traumatologique

  • TC avec ou sans PCI
  • Chute accidentelle
  • Fracture ou luxation secondaire

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

Glycémie capillaire

  • Chez le non diabétique, glycémie basse < 0,5 g/L ou 2,8 mmol/L simultanément à des symptômes compatibles

Bandelette urinaire

  • Glycosurie, corps cétoniques

ECG

  • SCA, troubles du rythme (bradycardie, TV)

CIMU

  • Tri 1 à 3 selon degré de gravité et d’évolution clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • Ionogramme complet (glycémie, K+, créatinine)
  • NFS (hyperleucocytose)
  • Insulinémie/peptide C (rapport < 1, origine endogène et > 1, origine exogène de l’insuline)
  • Troponine (infarctus du myocarde)
  • BNP (OAP, myocardite)
  • Phosphatémie, magnésémie (baisse des taux)
  • Analyse toxicologique : éthanolémie, insulinémie voire autres hypoglycémiants si dosable (sulfamides hypoglycémiants)
  • CPK, lactates

IMAGERIE

Rx de thorax si signes respiratoires ou coma

  • Pneumopathie d’inhalation
  • OAP

TDM cérébrale/IRM

  • Si coma ou TC
  • Convulsions ou déficits focaux
  • Séquelles neurologiques

EEG si

  • Convulsions
  • Coma prolongé (normalisation lente par rapport à la correction de la glycémie)

Diagnostic différentiel

  • Surdosage en insuline
  • Déplétion en glycogène :
    • éthylisme chronique
    • dénutrition
    • hépatopathie
  • Causes toxiques (prise massive de médicaments) :
    • éthylisme aigu
    • sulfamides hypoglycémiants
    • salicylés
    • β-bloquants
    • chlorpromazine
    • AINS
    • cibenzoline
    • disopyramide
    • perhexiline
    • pentamidine
    • cotrimoxazole
    • pénicillinamine
    • quinine IV
    • IMAO
    • dextropropoxyphène
  • Infections : états septiques graves
  • Cause endocrinienne :
    • insulinome
    • tumeurs insulino-secrétantes du pancréas
    • hépatome
    • insuffisance surrénale aiguë
    • anticorps anti-insuline
    • insuffisance hypophysaire
    • tumeur mésenchymateuse
  • Cause traumatique :
    • traumatisme crânien grave
    • hémorragie cérébrale
    • oedème cérébral
  • Cause vasculaire :
    • coma
    • AVC
    • hémorragie méningée

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Voie veineuse périphérique
  • Mise en route immédiate du resucrage ++ après confirmation biologique :
    • G 30 % IV 2-3 ampoules pour réveiller le patient (renouvelable)
    • si agitation : débuter par le glucagon IM 1 mg
  • Scope
  • Poursuite par glucosé hypertonique à 10 ou 20 %, 30 ou 50 %
  • Nécessité d’une voie veineuse centrale pour les solutés glucosés hypertoniques à 30 ou 50 %
  • Perfusion massive et prolongée (de 24 h jusqu’à plusieurs jours)
  • Si indiquée, intubation, ventilation mécanique et sédation
  • Hydratation : NaCl 0,9 %
  • Antiépileptiques (Clonazépam, phénobarbital) après resucrage

Suivi du traitement

  • Resucrage IV adapté à la surveillance de la glycémie capillaire
  • Apport de potassium : risque d’hypokaliémie de transfert
  • Injection unique en SC circonscrite indiquée par le patient : possibilité d’exérèse de la zone d’injection
  • A distance, en dehors de complications, relais par sucres lents per os : pain, biscottes…
  • Nursing ++
  • Prévention thrombo-embolique de décubitus prolongé

MEDICAMENTS

  • Glucosé hypertonique à 10, 30 % ou 50 %
  • Glucagon (Glucagen) : IV (ou SC , IM) 1 mg :
    • délai d’action 5-15 min ; durée d’action 20-30 min
    • renouvelable après 10 min si inefficacité
    • inefficace si réserves en glycogène effondrées ou hypoglycémie induite par les sulfamides
  • Diazoxide (Proglycem) : 300 mg/j per os (tumeurs insulaires)
  • Oxygénothérapie si hypoxie ou dyspnée
  • Chlorure de potassium : 2 à 4 g KCl / L de glucosé, adapté à la kaliémie
  • NaCl 0,9 %: hydratation, remplissage vasculaire
  • Héparine de bas poids moléculaire en SC

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, score de Glasgow, PA, T°, FR, FC, SpO2/h
  • Scope, ECG au moindre doute

PARACLINIQUE

  • Glycémie capillaire, glycosurie, pour guider l’administration de glucosé IV :
    • attention au risque d’hypoglycémie à l’arrêt de la perfusion
  • Gaz du sang artériels :
    • risque d’hypercapnie par hyperproduction de CO2 chez le patient en ventilation mécanique et insuffisant respiratoire chronique
  • Kaliémie (risque d’hypokaliémie de transfert)

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Resucrage sur place si patient conscient ou injection de glucagon IM 1 mg par famille (conseil téléphonique par le 15)
  • SMUR : resucrage IV par 2-3 ampoules G 30 %, renouvelable
  • Transport aux urgences si réveil immédiat et absence de signes de gravité
  • Transport en réanimation si :
    • sujet intubé,
    • présence de signes de gravité

EN INTRAHOSPITALIER

Critères d’admission en réanimation

  • Coma ou troubles de conscience prolongés
  • Convulsions, état de mal convulsif
  • Collapsus
  • Troubles du rythme ou nécrose myocardique
  • OAP
  • Troubles neurologiques persistants

Critères de sortie du SAU

  • Conscience et paramètres vitaux normaux après 24 h
  • Glycémie normalisée à distance du resucrage IV
  • Absence d’hypoglycémie après 24 h de surveillance
  • Accident ou geste suicidaire identifié avec certitude
  • Avis psychiatrique si geste suicidaire ou dépression

Mécanisme / description

  • L’insuline permet la pénétration du glucose dans les cellules et favorise l’utilisation du glucose via le catabolisme des lipides et du glycogène
  • Le glucose plasmatique est le principal combustible métabolique du cerveau qu’il ne peut ni synthétiser ni stocker
  • Les réserves s’épuisent en moins d’une heure en l’absence d’apport
  • Le cerveau peut utiliser d’autres substrats (pyruvates, corps cétoniques, lactates) mais qui ne permettent pas de compenser une carence soutenue
  • Insuline :
    • inactive par voie orale (destruction enzymatique)
    • IV : action de l’insuline ordinaire en 5 min pendant 90 min
    • SC : délai et durée variable, durée de l’hypoglycémie augmentée en raison du relargage progressif de l’insuline
  • Type d’insuline :
    • rapide : délai d’action : 15 à 30 min et durée d’action : 2 à 8 h
    • intermédiaire : délai d’action : 15 à 90 min et durée d’action 10 à 24 h
    • lente ou semi-lente : délai d’action : 1 à 6 h et durée d’action 18 à 28 h
  • La consommation concomitante d’alcool peut aggraver le pronostic par inhibition de la néoglucogénèse et des hormones de contre-régulation
  • Les bêtabloquants masquent la réponse adrénergique à l’hypoglycémie
  • Les IEC augmentent la sensibilité à l’insuline, favorisant des hypoglycémies sévères

Bibliographie

  • Baud FJ, Deye N, Sonneville R, Mégarbane B. Intoxication grave par l’insuline. Réanimation, 2006, 15 : 481-489
  • Mégarbane B, Deye N, Bloch V, Sonneville R, Collet C, Launay JM, Baud FJ. Intentional overdose with insulin: prognostic factors and toxicokinetic/toxicodynamic profiles. Crit Care 2007;11:R115
  • Bismuth C. Toxicologie clinique. Médecine-Sciences, Flammarion, 5e édition, 2000, Paris
  • Roberge RJ, Martin TG, Delbridge TR. Intentional massive insulin overdose : recognition and management. Ann Emerg Med 1993, 2 : 228-234
  • Gautier JF, Blanchet C. Hypoglycémies. Protocoles, édition L&C, 2003, Paris

Auteur(s) : Mohamed HACHELAF

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