Oedème pulmonaire lésionnel

Spécialité : pneumologie /

Points importants

  • Engendre une « insuffisance respiratoire aiguë » (IRA) ou un « syndrome de détresse respiratoire aiguë » (SDRA) selon le degré de gravité
  • Œdème pulmonaire par augmentation de la perméabilité capillaro-alvéolaire liée à l’inflammation pulmonaire et à l’activation locale de la coagulation
  • Plusieurs causes possibles (infectieuses, traumatologiques, circonstancielles, toxicologiques…)
  • Diagnostic différentiel parfois difficile avec l’oedème pulmonaire cardiogénique
  • Pas de traitement spécifique en dehors du traitement de la cause (sepsis dans 40% des cas)
  • Oxygénothérapie, ventilation mécanique
  • VNI : pas encore de données cliniques suffisantes sur son intérêt
  • Si IOT + VA : ventilation protectrice (faible volume courant)
  • Contrôle des apports liquidiens
  • Hospitalisation en soins intensifs ou en réanimation
  • 50% de mortalité

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

  • Dyspnée, polypnée
  • Cyanose, hypoxémie réfractaire à l’oxygénothérapie
  • Symptomatologie associée variable selon l’étiologie (causes pulmonaires ou causes extra pulmonaires ; cf. infra)
  • Fréquemment associé à une défaillance d’autres fonctions : fièvre ; oligo-anurie ; choc septique ; troubles de conscience…

CONTEXTE

  • Pathologie pulmonaire (lésions primaires) :
    • pneumopathies infectieuses
    • inhalation de liquide gastrique
    • contusion pulmonaire d’origine traumatique
    • inhalation de fumées ou de toxiques (chlore, organophosphorés) (voire items spécifiques)
    • noyade
    • embolie graisseuse (fracture des os longs)
    • oedème de reperfusion post-transplantation pulmonaire
  • Pathologie extra-pulmonaire (lésions secondaires) :
    • sepsis grave (choc septique)
    • polytransfusion
    • pancréatite aiguë
    • intoxication (médicaments ou drogues)
    • circulation extra corporelle
    • haute Altitude

EXAMEN CLINIQUE

Signes respiratoires

  • Polypnée > 20/min (gravité si > 30/min)
  • Cyanose (sauf si anémie)
  • Sueurs (signe de gravité)
  • Crépitants (inconstants) = présence de liquide dans les alvéoles. Si foyer localisé : évocateur d’une pneumopathie

Signes de sepsis (cause la plus fréquente de SDRA : 40% des cas)

  • Fièvre
  • Point d’appel infectieux (pneumopathie, péritonite, pancréatite, infection urinaire, septicémie, abcès profond…)

Signes hémodynamiques

  • Classiquement pas d’insuffisance cardiaque (diagnostique différentiel de l’OAP cardiogénique)
  • Si choc septique débutant :
    • HoTA, tachycardie
    • marbrures
    • oligo-anurie

Troubles de conscience (signe de gravité)

Œdème dû à une autre étiologie : signes cliniques divers selon le contexte (cf. supra)

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • SpO2 basse (souvent < 90%). Attention SpO2 parfois imprenable si état de choc (HoTA)
  • ECG : tachycardie sinusale ; pas de modification significative du segment ST (éliminer une origine cardiaque à l’oedème pulmonaire : ischémie myocardique ; trouble du rythme…)

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de la gravité clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • Gazométrie artérielle :
    • hypoxémie : rapport PaO2/FiO2 < 300 ; soit en air ambiant (FiO2 = 0,21) une PaO2 < 60 mmHg. SDRA avéré (gravité) si PaO2/FiO2 < 200
    • PaCO2 normale ou basse sauf si BPCO préexistante ou si épuisement respiratoire (gravité)
    • pH généralement abaissé. Le plus souvent acidose métabolique avec lactatémie augmentée (choc septique). Parfois acidose mixte (respiratoire et métabolique) si hypoventilation alvéolaire
  • Ionogramme sanguin : Rechercher des signes de choc septique : acidose métabolique (hyperlactatémie ; réserve alcaline abaissée), insuffisance rénale débutante (créatinine et urée augmentées)
  • Hémogramme : rechercher des signes de sepsis (hyperleucocytose) ; des signes de CIVD (thrombopénie). Bilan d’un choc hémorragique ; suivi d’une polytransfusion…
  • Bilan de coagulation (suivi d’une polytransfusion ; recherche d’une CIVD)
  • Enzymes cardiaques (Troponine) à la recherche d’une ischémie-nécrose myocardique
  • Peptides Natriurétiques (BNP ou NT-pro-BNP) pour éliminer une origine cardiogénique à l’oedème pulmonaire
  • D-dimères pour éliminer une embolie pulmonaire, avec une possibilité de positivité par le sepsis

IMAGERIE

  • Rx pulmonaire : typiquement, infiltrations bilatérales inhomogènes dans les 2 champs pulmonaires (opacités « neigeuses »), prédominantes en périphérie, mais aspect radiologique très polymorphe
  • Echo cardiaque : permet d’éliminer un OAP d’origine cardiogénique
  • TDM thoraco-abdominale : précise la topographie et l’étendue des lésions pulmonaires. Recherche étiologique (péritonite, abcès profond,…). Permet d’éliminer une autre cause (pneumothorax invisible à la Rx standard ; embolie pulmonaire)
  • Echo-doppler veineux (si doute sur une phlébite + embolie pulmonaire)

Diagnostic étiologique

  • Variable selon le contexte
  • Rechercher une origine septique (fréquence ++)

Diagnostic différentiel

  • OAP cardiogénique (attention un oedème inflammatoire peut se développer chez un patient insuffisant cardiaque)
  • Simple pneumopathie isolée
  • Embolie pulmonaire
  • Toutes les causes de dyspnée (asthme ; épanchement pleural…)

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Traitement préhospitalier

  • Oxygénothérapie à fort débit
  • Assistance ventilatoire : Intubation + ventilation si critères de gravité : coma, état de choc sévère, oxygénation au masque inefficace, épuisement respiratoire (sueurs, troubles de conscience)
  • Un intermédiaire peut être la    <a « https:= » » fiche-technique-medical= » » « = » »>
    VNI

Traitement intrahospitalier

  • Prise en charge de la détresse respiratoire :
    • oxygénothérapie à fort débit (masque à haute concentration : 10-12 L/min) même si insuffisance respiratoire chronique préexistante. Une hypercapnie fera envisager plus rapidement une assistance respiratoire
    • assistance ventilatoire : si détresse importante et si risque d’épuisement du patient :
      • ventilation non invasive :
        • nécessite la coopération du patient et une relative stabilité de son état
        • aucun bénéfice n’est encore démontré
        • est contre-indiquée en cas de sepsis sévère
      • intubation trachéale + ventilation contrôlée : si aggravation rapide ou si gravité extrême d’emblée (coma, choc sévère, …). Eviter l’aggravation des lésions par barotraumatisme. Notion de ventilation protectrice (faible volume courant) :
        • mode = ventilation contrôlée
        • volume courant : 5 – 7mL/kg
        • FiO2 : éviter la FiO2 = 1, préférer si possible < 0,6
        • PEP : 10 – 20 cmH2O.
        • sédation (± curarisation) pour adapter le patient au respirateur et limiter les pressions
  • Traitement de l’inflammation pulmonaire :
    • aucun traitement médicamenteux n’a prouvé son efficacité
  • Traitement de la cause :
    • variable selon le contexte
    • dans le cas d’un sepsis grave :
      • antibiothérapie précoce (se contenter de 2 séries rapprochées d’hémocultures)
      • intervention chirurgicale (péritonite, évacuation d’abcès profond…)
      • prise en charge d’un éventuel choc septique :
        • remplissage liquidien, amines vasoactives
        • contrôler les apports liquidiens en monitorant la PVC et la diurèse
        • des apports liquidiens trop importants majorent l’oedème. Un contrôle strict des apports, mais préservant la fonction rénale, diminue la morbidité

Suivi du traitement

  • OO OObjectif = PaO2 > 60 mmHg ; soit une SpO2 88 – 92%
  • Pression de crête 30 – 35 cmH2O
  • Pression de plateau < 30 cmH2O
  • Pression moyenne 20 – 30 cm H2O
  • Surveiller l’évolution d’une insuffisance respiratoire aiguë débutante. Envisager rapidement la    <a « https:= » » fiche-technique-medical= » » « = » »>
    VNI 
    (voire  l’intubation + ventilation) si le patient s’aggrave

Surveillance

CLINIQUE

  • Etat de conscience, épuisement respiratoire (FR)
  • Scope, SpO2, PA, ETCO2, FC
  • Monitorage hémodynamique : PVC, technique PiCCO…
  • Monitorage de la ventilation mécanique : pressions, FiO2, VT, FR, compliance pulmonaire
  • Adaptation au respirateur : sédation, voire curarisation
  • Stratégies ventilatoires discutées en réanimation : périodes de ventilation en décubitus ventral ; manoeuvres de recrutement des zones atélectasiées, monoxyde d’azote, changer le mode ventilatoire (jet-ventilation)
  • Evolution de la pathologie initiale (régression d’un choc septique ; arrêt d’une hémorragie ; récupération post-chirurgicale…)

PARACLINIQUE

  • Gazométries artérielles répétées (plusieurs fois par jour) : objectifs de SaO2 88 à 92%, PaCO2 = 10 kPa, pH > 7,20
  • Radios pulmonaires quotidiennes ; voire pluri-quotidiennes
  • TDM de contrôle (évolution d’une contusion pulmonaire, d’un épanchement pleural)
  • Examens variables selon la pathologie ayant provoqué l’inflammation pulmonaire

Devenir / orientation

  • Hospitaliser si possible dans un service de soins intensifs, voire une réanimation (si IOT + VA)
  • La VNI peut permettre de passer un cap et d’éviter une intubation (et ses complications) mais, technique encore en cours d’évaluation dans cette pathologie, et nécessite des locaux adaptés et du personnel formé et en nombre suffisant

Mécanisme / description

Physiopathologie de l’oedème pulmonaire inflammatoire

  • Augmentation de la perméabilité capillaro-alvéolaire :
    • inflammation pulmonaire : afflux de leucocytes et de macrophages par chimiotactisme des cytokines. Activation locale de ces cellules provoquant des lésions de l’endothélium capillaire et de l’épithélium alvéolaire
    • activation anormale de la coagulation : thrombi vasculaires bloquant la perfusion d’aval et augmentant la filtration trans-capillaire
  • Inondation alvéolaire par un oedème riche en protéines :
    • détresse respiratoire due à l’oedème alvéolaire
    • accumulation de protéines dans les alvéoles pulmonaires ; d’où une pérennisation de l’état inflammatoire pro-coagulant ; une baisse de compliance pulmonaire ; de possibles surinfections ; voire des séquelles fibrotiques

Bibliographie

  • Rouby J.J., Lu Q. ; Insuffisance respiratoire aiguë et syndrôme de détresse respiratoire aiguë ; 2005 ; Conférence d’actualisation de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation ; Ed. Elsevier ; Les Essentiels ; p 495 – 513
  • Ray P., Lefort Y. ; Diagnostic et traitement d’un état dyspnéique aiguë ; 2007 ; Encyclopédie Médico Chirurgicale « Médecine d’Urgence » ; 25-020-C-10
  • Benezet J.F., Crampagne J., Louvard S., Flechet J., De la Coussaye J.E. ; Œdème aiguë du poumon ; 2007 ; Encyclopédie Médico Chirurgicale « Médecine d’Urgence » ; 25-020-C-20
  • Jaber S., Chanques G., Sbbane M., Verzilli D., Eledjam J.J. ; La ventilation non invasive ; 2005 ; Conférence d’actualisation de la Société Française d’Anesthésie-Réanimation ; Ed. Elsevier ; Les Essentiels ; p 167 – 186
  • Ware L., Matthay M.A. ; The Acute Respiratory Distress Syndrome ; 2000 ; N Engl J Med ; 342:18 ; p 1334-49
  • The Acute Respiratory Distress Syndrome Network ; Comparison of two fluid-management strategies in Acute Lung Injury. ; 2006 ; N Engl J Med ; 354:24 ; p 2564-75
  • Brower R.G., Ware L., Berthiaume Y., Matthay M.A. ; Treatment of ARDS ; 2001 ; Chest ; 120 ; 1347-67
  • Calfee C., Matthay M.A. ; Nonventilatory treatments for Acute Lung Injury and ARDS ; 2007 ; Chest ; 131 ; 913-20
  • Kallet R.H. ; Evidence-Based Management of Acute Lung Injury and Acute Respiratory Distress Syndrome ; 2004 ; Respiratory Care ; 49:7 ; p 793-09

Auteur(s) : Raphaël BRIOT

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