Définition : irritation des méninges par un agent a priori infectieux
Diagnostic à évoquer devant toute céphalée fébrile ou syndrome méningé fébrile
Importance de la précocité d’introduction des antibiotiques sur le pronostic
Mortalité, importante surtout dans les méningites bactériennes
Méningites bactériennes : 1 000 cas/an en France
Principaux germes des méningites purulentes :
pneumocoque (incidence croissante ~ 50%)
méningocoque (> 30%)
haemophilus influenzae (rare depuis la vaccination)
La méningite à méningocoque est à déclaration obligatoire
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
Généraux
Fièvre
Spécifiques
Céphalées :
intenses, inhabituelles, diffuses, avec paroxysmes
noter heure de début, modalités d’apparition (brutal, progressif), facteurs déclenchants
Rachialgies
Nausées, vomissements en jets aux changements de position, constipation
Photophobie, phonophobie
Chez l’enfant :
fièvre ou hypothermie
léthargie
succion faible
vomissements
détresse respiratoire
irritabilité
CONTEXTE
Terrain
Facteurs de risque de brèche ostéo-méningée : ATCD de chirurgie de la base du crâne, de traumatisme crânien, de méningite, de pose de dérivation (ventriculo-atriale, ventriculo-péritonéale) de LCR pour hydrocéphalie
Facteurs de risque d’une méningite à germe de sensibilité diminuée aux antibiotiques : prise d’antibiotiques dans les 6 derniers mois
En cas de signes de gravité/purpura fulminans : lactates, recherche CIVD (TP, Produits de Dégradation de la Fibrine, Complexes Solubles)
IMAGERIE
Radiographie de thorax si la clinique est évocatrice de pneumopathie (clichés de face et de profil), tuberculose
Scanner cérébral :
réalisé après la PL
ne sera réalisée avant la PL qu’en cas de :
signes neurologiques de focalisation (suspicion d’une complication/une méningo-encéphalite) ; dans ce cas, l’imagerie est réalisée après la réalisation d’hémocultures et l’administration des premières doses d’antibiotiques et d’antiviral
immunosuppression/VIH
notion de lésion du SNC (abcès, saignement, masse)
crise convulsive récente (< 7 jours)
troubles de conscience, coma
sujet âgé
oedème papillaire
L’existence de troubles de la vigilance isolés (sans signe focal) n’est pas une indication à la réalisation de l’imagerie avant la PL
Si l’IRM est disponible, elle est à privilégier par rapport au scanner
NB : Une exception à la règle : le patient séropositif : faire d’abord une imagerie cérébrale à la recherche d’une toxoplasmose cérébrale
Diagnostic étiologique
FONCTION DE L’AGENT INFECTIEUX
Bactériennes
Pneumocoque :
facteurs de risque de brèche ostéo-méningée (trauma crânien), ATCD de méningite
infection associée ORL (sinusite, otite) ou pulmonaire
terrain d’immunodépression
début brutal
signes de gravité (signes neurologiques de focalisation et convulsions)
scanner cérébral : empyème, oedème cérébral
Méningocoque (méningite cérébro-spinale) :
notion d’épidémie de rhinopharyngite (chez les enfants surtout)
voyage récent en Afrique (ceinture de la méningite) de Décembre à Juin
début brutal
purpura
arthralgies
herpès péribuccal
Haemophilus influenzae :
infection récente des voies aériennes supérieures
âge < 5 ans
absence de vaccination
Listeria :
grossesse
immunodépression
nouveau-né, personne âgée, éthylique
début progressif
rhombencéphalite (atteinte des paires crâniennes, PF périphérique, diplopie…)
Leptospirose :
baignade en eau douce (exposition de loisirs ou professionnelle)
Cas particulier du purpura fulminans (syndrome infectieux et au moins un élément purpurique nécrotique ou ecchymotique de diamètre > 2 mm) :
en préhospitalier : 1re dose d’antibiotique IV (ceftriaxone = Rocéphine 2g IVD) puis transport vers un hôpital (au mieux doté d’un service de réanimation) par SMUR ou un autre moyen (si délai d’intervention du SMUR > 20 min), en ayant prévenu l’établissement du diagnostic évoqué :
entourer les lésions purpuriques au stylo pour évaluer l’évolution
décontamination du véhicule après transport
à l’hôpital :
prévenir le réanimateur
Scope
Voie veineuse avec NaCl 0,9%, remplir pour traiter la déshydratation, l’HoTA (si choc septique, obtenir une PAM de 65 mmHg : ± catécholamines, hémosuccinate d’hydrocortisone)
SpO2 (oxygénothérapie qsp > 95%)
Réaliser la première dose d’antibiotique si elle n’a pas été administrée ; en même temps que les hémocultures, le prélèvement d’urine
La PL peut être réalisée secondairement (chez un patient stable hémodynamiquement)
Traitement spécifique : urgence thérapeutique
Fonction, du terrain
_680 Tableau Traitement fonction de l’examen direct
En l’absence de signe neurologique focal, après réalisation de la PL :
si signes de gravité, ne pas attendre les résultats de l’examen direct : débuter une antibiothérapie associant C3G et amoxicilline, +/- vancomycine (si FDR de pneumocoque de sensibilité diminuée à la pénicilline : PDSP)
si absence de signes de gravité, attendre le résultat de l’examen direct :
_681 Tableau Traitement empirique
Liquide clair (Lymphocytes > 50%) : selon glycorachie :
normale :
méningites virales communes (hyperprotéinorachie modérée, PCR Entérovirus +) : pas de traitement spécifique
éliminer une primo-infection VIH (faire antigénémie P24 si PCR Entérovirus négative, non disponible, ou si FDR d’IST) et discuter le cas échéant une quadrithérapie antirétrovirale
évoquer leptospirose (méningite lymphocytaire ou parfois panachée, protéinorachie modérée, glycorachie normale)
zona, oreillons (hypoglycorachie modérée possible) si contexte particulier
cryptococcose : terrain, Antigènes cryptococciques + examen à l’encre de chine +, dépistage rapide VIH : traitement antifongique (amphotéricine B)
En cas de signe neurologique focal :
Démarrer, en même temps que les hémocultures, une antibiothérapie associant C3G, amoxicilline et Zovirax ; avant de réaliser une imagerie cérébrale et des prélèvements complémentaires (urines, sang, LCR en l’absence de contre-indication avec PCR HSV notamment)
Méningocoque : phénicolés et nouvelles fluoroquinolones
Listéria : Bactrim
Corticothérapie :
Diminue l’inflammation donc le risque potentiel de mortalité/séquelles, mais aussi la pénétration des antibiotiques
Indications actuelles :
chez l’adulte, en cas de signe de gravité (trouble de conscience, coma) en l’absence de FDR de PDSP ; méningite tuberculeuse :
1re injection à réaliser précocement (avant ou en même temps que la 1re injection d’antibiotiques)
chez l’enfant = méningites purulentes :
dexaméthasone : 0,6 mg/kg/j sur 2-4 jours
Mesures associées
Déclaration obligatoire : méningocoque, Listeria, M. tuberculosis
Isolement respiratoire : surtout pour le méningocoque
Recherche d’un foyer ORL/pulmonaire associé, d’une brèche ostéoméningée : en cas de méningite à pneumocoque
Chimioprophylaxie et vaccination dans l’entourage en cas de méningocoque :
si contact de distance < 1m : partenaire(s), famille vivant sous le même toit, voisins de classe
à discuter : sports avec proximité physique
non recommandée : prophylaxie systématique de tout le personnel soignant (seulement si bouche-à-bouche, IOT)
vaccination : selon le sérotype retrouvé et pour l’entourage proche du patient dans les semaines suivant le diagnostic
Chimioprophylaxie en cas de méningite à Haemophilus :
RFM 20-40 mg/kg/j (max. 600 mg/j) pendant 4 jours
Suivi du traitement
Adaptation de l’antibiothérapie : selon le germe, l’antibiogramme, l’évolution clinique ; restriction du spectre chaque fois que possible
Surveillance des points de ponction et perfusions (sérum salé isotonique en 1e intention ; possibilité de laisser un obturateur sur cathéter entre les perfusions)
PL de contrôle à 48h : seulement en cas de méningite à PDSP et/ou évolution défavorable
Pour l’entourage, en cas de chimioprophylaxie, penser à informer du risque d’interactions médicamenteuses sous rifampicine (notamment inefficacité de la contraception orale)
MEDICAMENTS
Antibiotiques
C3G : céfotaxime 200 à 300 mg/kg/j en 4 perfusions (Claforan 3gx4/j) ou ceftriaxone = Rocéphine 2g x 2/j (enfant = 50-100 mg/kg)
Amoxicilline : 150 à 200 mg/kg/j en 4 à 6 perfusions
Vancomycine : bolus de 15mg/kg/j puis 60 mg/kg/jour en 4 perfusions d’au moins une heure
méningocoque : phénicolés et nouvelles fluoroquinolones
listeria : Bactrim (4-5 mg/kg IV x2/j)
Rifampicine en chimioprophylaxie :
méningocoque : 600 mg p.o. x2/j pendant 2 jours chez l’adulte
10 mg/kg x2/j pendant 2 jours chez l’enfant (ou 5mg/kg x2/j pendant 2 jours si âge < 1 an)
haemophilus : 600 mg/j maximum, pendant 4 jours
attention aux interactions médicamenteuses (notamment avec la pilule oestroprogestative chez la femme en âge de procréer)
alternative si allergie ou femme enceinte : ceftriaxone en dose unique : 250 mg chez l’adulte ; 125 mg chez l’enfant, le nourrisson, le nouveau-né
Chimioprophylaxie chez l’enfant
Antiviral
Zovirax : 10 à 15 mg/kg/8h
Antituberculeux
Voie veineuse si coma/convulsions :
Rimifon 3 mg/kg/j
rifampicine 10 mg/kg/j
Myambutol 20 mg/kg/j
Pirilène 30 mg/kg/j
Sinon per os :
Rifater 3 à 6 cp/j
Myambutol : 20 mg/kg/j
Corticoïdes
Dexaméthasone 0,15 mg/kg x 4/j pendant 2 jours. Donner avant ou simultanément à la première dose d’antibiotique
Hydrocortisone : 100-300 mg IV
Vaccins
Anti-méningococcique, selon sérotype mis en évidence :
polyosidique A + C ; à partir de 6 mois
conjugué C : à partir de 2 mois
tétravalent A, C, Y, W135 : à partir de 2 ans
Surveillance
CLINIQUE
Efficacité du traitement : régression de la fièvre, du syndrome méningé, des signes de gravité
Syndrome post-PL : céphalées positionnelles (au passage à l’orthostatisme), disparaissant au décubitus :
l’alitement strict n’est plus recommandé ; antalgiques adaptés à l’EVA et hydratation large ; envisager un blood-patch en cas de persistance des symptômes
Tolérance des traitements institués : selon les molécules administrées
PARACLINIQUE
Régression du syndrome inflammatoire
PL de contrôle : seulement si évolution défavorable à la 48e heure ou si PDSP
Imagerie cérébrale : si suspicion de complication (abcès, empyème, thrombose veineuse cérébrale…)
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
Hospitalisation systématique, au moins 24 à 48h (jusqu’aux résultats de la culture) dans les méningites virales communes :
exception : patient sans comorbidité, méningite lymphocytaire à PCR Entérovirus +, bien entouré, comprenant les enjeux de la surveillance et les critères devant faire reconsulter en urgence
Hospitalisation en réanimation si purpura fulminans, choc septique, troubles de la conscience avec Score de Glasgow Glasgow < 8
Hospitalisation en Médecine dans les autres cas
CRITERES DE SORTIE
Méningites virales : après une courte hospitalisation, si évolution clinique favorable et en l’absence de syndrome post-PL invalidant
ORDONNANCE DE SORTIE
Chimioprophylaxie et vaccination après enquête dans l’entourage, dès le diagnostic posé, le cas échéant
Concernant le patient : antalgiques, arrêt de travail
RECOMMANDATIONS DE SORTIE
Consulter en urgence si fièvre, troubles neurologiques, récurrence des signes initiaux (syndrome méningé) ; ce qui sous-entend la compréhension et la compliance du patient
Consulter si syndrome post-PL
Consulter le médecin traitant une semaine après la sortie pour s’assurer de la guérison
Mécanisme / description
METABOLISME
Le LCR (90 à 150 mL chez l’adulte) :
est complètement renouvelé 3 fois / 24h
il est sécrété (80% par les plexus choroïdes ventricules latéraux) et résorbé (villosités arachnoïdiennes) en permanence
est une interface entre le sang (barrière hémato-méningée) et le SNC (barrière cérébro-méningée)
l’hyperprotéinorachie est due soit à un transsudat soit à une synthèse intratéchale d’immunoglobulines
l’hypoglycorrachie est due à la consommation de glucose par des microorganismes ou par des cellules tumorales
PHARMACODYNAMIE
Utilisation de molécules à bonne pénétration méningée, actifs sur les germes suspectés
La concentration méningée dépend : du degré d’inflammation locale (la concentration augmente avec l’inflammation), de la résorption active de la molécule par les plexus choroïdes et de sa lipophilie, de la posologie utilisée
Les corticoïdes diminuent l’inflammation locale et potentiellement la concentration des antibiotiques utilisés : prudence, surtout en cas de PDSP ! :
les antibiotiques dont la concentration méningée peut être ainsi diminuée sont surtout les beta-lactamines, les aminosides, les quinolones
Bibliographie
Conférence de consensus : Méningites Purulentes Communautaires (SPILF, 1996)
CAT devant une suspicion de méningite de l’adulte (Congrès SRLF 2000)
Urgences-Online : Méningite, Purpura Fulminans
www.infectiologie.com :
Prise en charge des méningites bactériennes (G. Chaumentin, Maladies Infectieuses, Roanne, 2004)
Les méningies bactériennes (JP Stahl, Infectiologie, CHU Grenoble)
Le Pilly (Collège des universitaires de Maladies Infectieuses et Tropicales)
Clinical Features and Prognostic Factors in Adults with Bacterial Meningitis (Diederik van de Beek, M.D., Ph.D., Jan de Gans, M.D., Ph.D., Lodewijk Spanjaard, M.D., Ph.D., Martijn Weisfelt, M.D.,Johannes B. Reitsma, M.D., Ph.D., and Marinus Vermeulen, M.D., Ph.D)
Circulaire DGS (DGS/5C/2006/458) du 23/10/2006
Méningites bactériennes ; stratégies de traitement et de prévention ; expertise collective INSERM, Les Editions Inserm, 1996
Auteur(s) : Anne-Lise LECAPITAINE, Patrick PLAISANCE