Diarrhées aigues et TIAC

Diarrhées aigues et TIAC

Spécialité : gastro-enterologie / symptômes /

Points importants

  • Tout âge, bactérienne ou virale
  • Risque majeur de déshydratation aux âges extrêmes
  • Cas sporadiques ou épidémies des collectivités
  • Toxi-infections alimentaires, si aliment responsable identifié
  • Problème majeur dans les pays en voie de développement
  • 1% d’incidence dans les pays industrialisés (dont 20% liés aux salmonelles et 30% après un séjour en pays en voie de développement) ; 200 000 cas/an en France
  • Mortalité faible (0,1%); hospitalisation (6% des cas)
  • 5 à 10 millions d’enfants morts par diarrhée infantile

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Généraux

  • Rechercher en premier lieu des signes de choc hypovolémique (collapsus, marbrures…)
  • AEG, perte de poids
  • Vomissements +++
  • Lipothymies, soif (déshydratation)
  • Crampes musculaires (hypokaliémie)

Spécifiques

  • Syndrome dysentérique :
    • diarrhée glairo-sanglante ou aqueuse
    • fièvre
    • douleurs abdominales
    • épreintes, ténesme
  • Syndrome cholériforme :
    • diarrhée hydrique abondante, profuse, sans fièvre, sans douleur abdominale majeure
  • Nombre de selles/jour

CONTEXTE

Terrains à risque

  • Ages extrêmes
  • Immunodéprimé
  • Femme enceinte

Traitement usuel

  • Antibiotiques
  • Antirétroviraux
  • Chimiothérapie

Antécédents

  • VIH
  • Néoplasie

Facteurs de risque

  • Prise médicamenteuse récente
  • Voyage récent
  • Collectivité
  • Prise récente de coquillage
  • Charcuterie, viandes crues, oeufs, laitage

Circonstances de survenue

  • Prise alimentaire
  • Autres cas similaires récents
  • Incubation si aliment suspecté, voyage récent en zone d’endémie, infection VIH

EXAMEN CLINIQUE

  • Fièvre
  • Signes généraux hémodynamiques : PA, FC, conscience, FR, marbrures
  • Signes de déshydratation extracellulaire :
    • hypotension aggravée par orthostatisme
    • tachycardie
    • oligo-anurie
  • Signes de déshydratation intracellulaire :
    • peau et muqueuses sèches
    • cernes
    • hypotonie des globes oculaires
  • Examen abdominal :
    • défense, contracture
  • Signes d’hypokaliémie :
    • crampes musculaires, signes ECG
  • Signes d’acidose métabolique :
    • polypnée
    • agitation

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • SpO2 normale ou diminuée
  • ECG (hypokaliémie)
  • Hemocue si selles glairo-sanglantes
  • Glycémie capillaire : hypoglycémie ou décompensation diabète

CIMU

  • Tri 1, 2 ou 3 en fonction des paramètres hémodynamiques

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

Bilan étiologique

  • Coproculture
  • Examen parasitologique des selles
  • Hémocultures
  • Frottis/goutte épaisse
  • Recherche de toxine de Clostridium Difficile

Bilan de retentissement

  • Ionogramme sanguin (hypokaliémie, dysnatrémie, insuffisance rénale, hyperprotidémie, acidose)
  • NFS (anémie, hyperleucocytose, hémoconcentration)

IMAGERIE

  • Pas d’indication sur une diarrhée aiguë simple
  • Eventuellement et en cas de doute (colite ischémique) : TDM abdominal

Diagnostic étiologique

TOXI-INFECTIONS ALIMENTAIRES (TIA)

  • Ingestion d’aliments contaminés (COLLECTIVE = au moins deux cas dans une même collectivité)

Salmonelloses

  • Fréquentes partout, 75 % des TIAC (aliments crus)
  • S. enteriditis ou typhi-murium (BGN non sporulé)
  • Fièvre typhoïde : S. typhi ou paratyphi
  • Diarrhée (75 % cas) fébrile (100 %), brutale (12-24h post-ingestion de l’aliment responsable), liquide, fébrile avec céphalées, vomissements pendant 2-3 jours
  • Syndrome dysentérique dans 30% des cas
  • Diagnostic par coproculture (antibiogramme, sérotypage)
  • Antibiothérapie (amoxicilline ou quinolones) non obligatoire et en cure courte
  • Hydratation parfois nécessaire

Staphylocoque doré

  • Diarrhée par toxine thermostable ingérée par l’aliment contaminé
  • Début brutal en 2-4 heures post ingestion
  • Nausées, vomissements, diarrhée profuse sans fièvre
  • Traitement symptomatique +++
  • Coproculture inutile
  • Enquête épidémiologique (DDASS) +++

Autres (klebsielles, Proteus, Clostridium perfringens, Bacillus cereus, Campylobacter jejuni, Escherichia coli entéro-hémorragique [ETEC], etc.)

SYNDROME DYSENTERIQUE ET DIARRHEIQUE

Shigellose (S. flexneri, S. sonnei, S. boydii, S. dysenteriae)

  • Enterobactérie strictement humaine, 15 % des dysenteries à Paris
  • Cas importés, petites épidémies limitées, contexte familial
  • Incubation 2 – 5 jours
  • Syndrome dysentérique fébrile (40°C) sévère avec manifestations neurologiques et bactériennes
  • Traitement antibiotique par fluoroquinolones +++
  • Mortalité 15 % mais évolution favorable le plus souvent en quelques jours

Diarrhée aiguë colibacillaire

  • E. coli entéro-invasifs (ECEI) : rares syndromes dysentériques fébriles (cf. shigellose)
  • E. coli entéropathogènes (ECEP) : épidémies dramatiques de gastro-entérites du nourrisson (hôpitaux, crèches)
  • E. coli entéro-hémorragique (ECEH) : découverte récente aux USA, diarrhée hémorragique et aqueuse (agent du SHU)

Yersiniose (Yersinia enterocolitica)

  • Germe ubiquitaire
  • Syndrome dysentérique fébrile et douleur fosse iliaque droite pseudo appendiculaire
  • Complications post infectieuses +++ (érythème noueux, rhumatisme)
  • Diagnostic : coproculture/sérodiagnostic
  • Traitement antibiotique +++ (fluoroquinolones)

Campylobacter jejuni ou coli

  • 3e cause de diarrhée de l’enfant et de l’adulte
  • Porteurs sains en contact avec des volailles
  • Double mécanisme invasif et toxinique
  • Syndrome mixte (dysentérique et aqueux) en 24-48 heures ± fièvre ± vomissements et douleurs abdominales
  • Ulcérations digestives fréquentes, manifestations extra-digestives nombreuses
  • Antibiothérapie par macrolides

SYNDROME CHOLERIFORME

Choléra (Vibrio cholerae)

  • Toxi infection strictement humaine et contagieuse, endémique dans les pays en voie de développement (Inde +++)
  • Immunité de courte durée
  • Incubation de 12 – 72 heures en période épidémique, 3 – 7 jours en période endémique
  • Diarrhée aqueuse, afécale de plusieurs litres par jour avec vomissements incoercibles, hypothermie, collapsus, acidose
  • URGENCE THERAPEUTIQUE +++ (réhydratation)
  • Prévention par mesure d’hygiène collective rigoureuse

E. coli entérotoxinogène (ECET)

  • Diarrhée cholériforme en milieu tropical (50 %) ou dans les pays occidentaux (< 5 %)
  • Cas sporadiques estivaux (Turista)
  • Diarrhée pendant 3 – 4 jours

Autres étiologies plus rares (C. perfringens, C. difficile, yersinia, shigelles)

Diarrhée virale

  • Rota virus, virus de Norwalk
  • 70 % des diarrhées avant l’âge de 3 ans, période hivernale
  • Diarrhée fécale + hydrique, infection des VAS pseudo-grippale
  • Guérison spontanée en 2 – 5 jours

DIARRHEES AU COURS DU VIH

  • Cible autrefois du VIH qui a quasiment disparu en raison des progrès thérapeutiques
  • Diarrhée à présent surtout due aux traitements antirétroviraux

Deux tableaux distincts

  • Aiguë : causes identiques aux non VIH (salmonelloses +++)
  • Chroniques : diarrhée fécales hydriques avec souvent malabsorption et dénutrition associée à une profonde immunodépression

Etiologies

  • Amibiases, giardiases
  • Cryptosporidiose, Isospora belli, microsporidies
  • Cytomégalovirus (entérocolite)
  • Mycobacterium avium
  • Kaposi (sarcome)

Bilan

  • Examen parasitologique des selles ± biopsies intestinales

Traitement spécifique d’efficacité variable

DIARRHEE SOUS ANTIBIOTIQUES

Flore intestinale « normale »

  • 10 à 20 espèces microbiennes 109 g/selle
  • Répartie tout le long du tractus digestif
  • 1024 bactéries en tout
  • Rôle physiologique complexe majeur

Perturbée par l’antibiothérapie (10 % cas) avec conséquences variables

  • Diarrhée simple (modérée aqueuse, brève)
  • Colite droite hémorragique (diarrhée sanglante, colite ulcérée)
  • Colite pseudo membraneuse :
    • due aux bêtalactamines et quinolones essentiellement
    • diarrhée hydrique verdâtre parfois sévère + douleurs et distension abdominale + fièvre (75 %) + fausses membranes
    • Clostridium difficile et sa toxine A +++
    • traitement per os (vancomycine 125 mg x 4/j ou Flagyl 500 mg x 3/j, 10 jours)

Plus le spectre est large, plus le risque est grand +++
 

Diagnostic différentiel

Allergie alimentaire

  • Lait, oeuf, chocolat, crustacés, etc.
  • Diarrhées post-prandiales évocatrices
  • Manifestations générales inconstantes

Intoxication alimentaire

  • Champignons non comestibles
  • Survenue 2-3 heures post-ingestion ou > 10 heures après si amanite phalloïde
  • Produit alimentaire avarié, vieilli

Diarrhée post-antibiothérapie

  • Colite pseudo-membraneuse à Clostridium difficile

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Repos / isolement des sujets malades
  • Diète hydrique, alimentation légère
  • Exclusion du lait, viande, gluten, légumes, fruits
  • Prescription de soupe, carottes, riz, pommes, coings
  • Reprise prudente de l’alimentation
  • Réhydratation sucrée (20 g/L) orale, IV selon gravité et ionogramme sanguin

MEDICAMENTS

Antalgique, antipyrétique

  • Paracétamol 1g/6h

Antispasmodiques 5 à 7 jours

  • Type phloroglucinol (2 cps matin, midi et soir)
  • Ou trimebutine (1 cp matin, midi et soir)

Anti-diarrhéiques 5 à 7 jours

  • Lopéramide, ralentisseur du transit, 2 gel/j + 1 gel après chaque selle
  • Ou racécadotril, antisécrétoire pur, 1gel matin, midi et soir
  • Saccharomyces boulardii, 1 gel matin, midi et soir

Antibiotiques selon germe/indication orale, chaque fois que possible, courte (amoxicilline, macrolide, Bactrim, quinolones)

  • Cas général : ofloxacine 200 mg x 2 (per os) pendant 3 à 5 jours
  • Shigellose : ofloxacine 400 mg en une fois
  • Salmonellose : ofloxacine 200 mg x 2 (per os) pendant 5 à 7 jours
  • Campylobacter : roxithromycine 150 mg x 2 pendant 12 jours
  • Yersinia : ofloxacine 200 mg x 2 ou SMX/triméthoprime 400 mg x 2 pendant 8 à 10 jours
  • Clostridium difficile : métronidazole 500 mg x 3 (per os) pendant 10 jours (seule la présence de la toxine est significative)

Surveillance

CLINIQUE

  • PA, FC, état cutané, EVA ou EN, examen abdominal, nombre de selles par jour

PARACLINIQUE

  • Ionogramme sanguin
  • ECG

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

  • Hospitalisation si signes de gravité clinique (hypovolémie, déshydratation sévère, acidose métabolique, insuffisance rénale, hypokaliémie, dysnatrémie), vomissements, terrain à risque :
    • réanimation si signes de choc, acidose métabolique, troubles de conscience
    • gastro-entérologie ou médecine interne dans les autres cas

CRITERES DE SORTIE

  • Absence de signes de gravité clinique
  • Absence de vomissements

ORDONNANCE DE SORTIE

  • Antidiarrhéiques
  • Antalgiques
  • Antispasmodiques
  • Antibiotiques

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

  • Hygiène générale (lavage mains, aliments, dépistage du portage) surtout en collectivité +++
  • Protection individuelle (hygiène, désinfection eau)
  • Diète hydrique, alimentation légère :
    • exclusion du lait, viande, gluten, légumes, fruits
    • prescription de soupe, carottes, riz, pommes, coings

Mécanisme / description

Syndrome dysentérique

  • Invasion bactérienne de la paroi intestinale
  • Lésions anatomiques des muqueuses : mucus, nécrose, pus et saignement
  • Diarrhée aqueuse ou glairo-sanglante voire purulente
  • Douleurs abdominales, épreintes, ténesme, abdomen sensible

Syndrome cholériforme

  • Atteinte iléale exotoxinique
  • Sécrétion hydroélectrolytique massive
  • Diarrhée hydrique brutale, abondante, fréquente, sans fièvre
  • Risque majeur de déshydratation, collapsus, insuffisance rénale

Mécanismes souvent intriqués

Bibliographie

  • Dorosz. Guide pratique des médicaments 2009. Maloine Ed

Auteur(s) : Stéphane MOULY

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