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Traumatismes de cheville à radios normales

Spécialité : traumatologie /

Points importants

  • Situation fréquente en urgence
  • Règles dites «  règles d’Ottawa 
    » définies pour essayer de diminuer le nombre de radiographies de la cheville prescrites dans le cadre de l’urgence. Cependant :
    • l’examen clinique n’a pas une fiabilité à 100%
    • la douleur est un élément extrêmement subjectif qu’il est difficile de quantifier objectivement
    • le prix d’une radiographie de la cheville est particulièrement modeste par rapport au coût induit par une erreur diagnostique
    • le délai d’attente dans les services d’urgence peut être fortement diminué si la radiographie (lorsqu’elle est jugée non urgente), est prescrite pour être réalisée à l’extérieur de l’hôpital le soir ou le lendemain du traumatisme
    • la valeur médico-légale d’une radiographie initiale est essentielle pour certaines pathologies (lésion ostéochondrale du dôme astragalien [fracture ou ostéochondrite ?]), syndrome du carrefour postérieur (fracture de la queue de l’astragale ou os trigone ?)

Entorses de la cheville

  • Les entorses externes sont extrêmement fréquentes et représentent 10 à 15% des traumatismes des membres
  • La plupart sont des entorses bénignes (80 à 85%) et beaucoup correspondent à des entorses récidivantes
  • Il est classique de parler d’entorse bénigne, moyenne ou grave. Cependant cette classification n’est basée sur aucun critère objectif si bien que nous ne l’utilisons pas en pratique quotidienne
  • La gravité d’une entorse, quelle que soit sa localisation, se définit par l’importance de la laxité qu’elle engendre, il est donc impératif de quantifier cette laxité pour adopter une attitude thérapeutique cohérente et reproductible

Luxation des tendons péroniers (fibulaires)

  • Lésion relativement rare, passant donc volontiers inaperçue en urgence

Fractures « non visibles »

  • Les fractures sont d’autant plus visibles que l’interprétation des radiographies a été orientée par un bon examen clinique
  • On ne trouve que ce que l’on cherche

Présentation clinique / CIMU

ENTORSES EXTERNES DE LA CHEVILLE

  • Les signes cliniques sont, certes importants, mais non suffisants pour faire un diagnostic précis
  • On insiste habituellement sur :
    • le craquement, le gonflement immédiat (oeuf de pigeon)
    • l’impotence fonctionnelle, l’ecchymose
    • l’oedème et la douleur exquise pré et sous-malléolaire externe

AUTRES ENTORSES DE LA CHEVILLE

Entorses de la tibio-péronière inférieure

  • Douleur au niveau de l’articulation tibio-péronière inférieure
  • Mécanisme : hyperflexion dorsale de la cheville

Entorses antérieures

  • Douleur au niveau de la face antérieure du cou-de-pied avec très souvent un oedème en regard
  • Mécanisme : hyperflexion plantaire

Entorses du ligament latéral interne

  • Elles sont rares
  • Il faut se méfier des lésions du jambier postérieur (tibial postérieur), encore plus rares
  • La douleur siège sous la malléole interne
  • Mécanisme : mouvement en valgus forcé

Entorses médio-tarsiennes (articulation de Chopart)

  • Elles sont relativement fréquentes
  • Douleur au niveau du tarse antérieur sans aucune douleur au niveau de la tibio-tarsienne

LUXATION DES TENDONS PERONIERS (FIBULAIRES)

  • Lésion relativement rare si bien qu’elle passe volontiers inaperçue en urgence
  • Douleur rétro-malléolaire externe. La palpation doit s’acharner à la retrouver en essayant de palper les tendons qui peuvent être luxés en avant de la malléole externe
  • Les manoeuvres dynamiques essayant de luxer les tendons, en cas de luxation intermittente, sont douloureuses dans le cadre de l’urgence

FRACTURES « NON VISIBLES »

Calcanéum (calcaneus)

  • Fracture extra-thalamique non déplacée (grosse tubérosité, grande apophyse)
  • Fracture thalamique non déplacée
  • Fracture du sustentaculum tali (plus rare) :
    • douleur en sous-malléolaire interne et le diagnostic évoqué à tort est celui d’entorse du ligament latéral interne

Astragale (talus)

  • Fracture non déplacée du corps ou du col de l’astragale
  • Lésion ostéochondrale du dôme astragalien :
    • facile à diagnostiquer dans le cadre de l’urgence
    • le diagnostic est beaucoup plus difficile au stade chronique où il existe très souvent un remodelé de l’os sous-chondral
    • à ce stade, on ne peut pas différencier une lésion pré-existante à l’accident, et une lésion consécutive à l’accident
  • Fracture de la queue de l’astragale dite fracture de Shepherd :
    • douleur postérieure de la cheville en hyperflexion plantaire du pied
    • douleur rétro-malléolaire à la flexion contrariée du gros orteil

_334

  • Fracture de la queue de l’astragale  
    • Fracture du tubercule externe de l’astragale :  
      • lésion la plus fréquente et qui passe volontiers inaperçue
      • la douleur sous-malléolaire externe est souvent prise pour une entorse du ligament latéral externe et la radiographie de face et de profil, surtout si elle est regardée rapidement, ne retrouve pas la fracture
    Scaphoïde tarsien (os naviculaire) Les fractures qui passent volontiers inaperçues sont les fractures de fatigue et les fractures du tubercule médial du scaphoïde correspondant le plus souvent à un traumatisme d’un tubercule accessoire hypertrophique.
    • Fracture de fatigue :  
      • se présente souvent comme une entorse chez un coureur à pied qui a augmenté ou modifié son entraînement
      • douleur au bord externe du scaphoïde au niveau du sinus du tarse et douleur à la montée sur la pointe du pied caractéristique de cette lésion
    • Lésion du tubercule accessoire du scaphoïde :  
      • difficile à diagnostiquer
      • l’examen clinique retrouve un tubercule hypertrophié et douloureux à la palpation
    Cuboïde, cunéiformes, styloïde du 5e métatarsien, bases des métatarsiens
  • L’examen clinique, les radiographies orientées par cet examen et les incidences déroulant tout le pied doivent permettre de faire le diagnostic de ces lésions
  • Signes paracliniques
  • ENTORSES EXTERNES DE LA CHEVILLE
    • Importance des clichés dynamiques radiologiques en urgence (ou en urgence différée) de face et de profil, comparatifs, à la recherche d’un bâillement externe anormal (entorse grave si supérieur à 12°) ou d’un tiroir antérieur excessif (> 8 mm)
    _327
  • Radiographie de cheville en varus équin   _328
  • Radiographie de cheville : incidence de profil  
    • L’échographie semble également un examen intéressant qui nécessite cependant un radiologue compétent en urgence (ou en urgence différée)
    AUTRES ENTORSES DE LA CHEVILLE Entorses de la tibio-péronière inférieure
    • Les radiographies sont habituellement normales
    • Elles montrent parfois un arrachement osseux au niveau du tubercule de Chaput
    • Dans certains cas très rares, elles montrent un diastasis tibio-péronier inférieur
    _329
  • Entorse de l’articulation tibio-péronière   Entorses antérieures
    • Les radiographies sont habituellement normales
    Entorses médio-tarsiennes (articulation de Chopart)
    • Il existe souvent sur les radios, un petit arrachement osseux capsulaire au niveau, soit de la calcanéo-cuboïdienne, soit de l’astragalo-scaphoïdienne (talo-naviculaire)
    LUXATION DES TENDONS PERONIERS (FIBULAIRES)
    • Les radiographies sont souvent normales
    • Cependant, elles montrent de temps en temps un petit arrachement osseux en arrière de la malléole externe, ce qui signe la luxation
    • En cas de doute, un scanner permettra de faire le diagnostic d’une luxation ou subluxation permanente des tendons
    FRACTURES « NON VISIBLES » Calcanéum (calcaneus)
    • Il faut demander une incidence rétro-tibiale de Böhler et au moindre doute un scanner
    Fracture non déplacée du corps ou du col de l’astragale _330
  • Fracture du corps de l’astragale non visible   _331
  • Fracture du corps de l’astragale précédente visible sur cette incidence  
    • La fracture du corps est d’autant moins visible sur les radiographies, que le trait a une orientation sagittale oblique difficilement « enfilable » par un rayon antéro-postérieur
    • Il faut demander des radiographies de 3/4 au moindre doute, et surtout un scanner
    Lésion ostéochondrale du dôme astragalien
    • La lésion traumatique aiguë correspond radiologiquement à un aspect en coup d’ongle de l’angle interne ou plutôt externe du dôme de l’astragale, sans aucune condensation osseuse sous-jacente
    _332
  • Fracture de l’angle supéro-externe de l’astragale  
    • Le diagnostic est beaucoup plus difficile au stade chronique où il existe très souvent un remodelé de l’os sous-chondral
    _333
  • Lésion ostéochondrale du dôme astragalien vue tardivement  
    • A ce stade, on ne peut pas différencier une lésion préexistante à l’accident, et une lésion consécutive à l’accident… D’où l’intérêt de faire des clichés devant tout traumatisme de la cheville à plus forte raison si l’on évoque une entorse (ces lésions sont souvent consécutives à une entorse, où, l’astragale bascule en varus dans la mortaise tibio-péronière et les angles astragaliens viennent buter contre la malléole externe ou contre le pilon tibial)
    Fracture de la queue de l’astragale dite fracture de Shepherd _334
  • Fracture de la queue de l’astragale  
    • Il n’est pas toujours facile d’en faire le diagnostic car cette fracture peut être prise pour un os trigone (variante de la normale)
    • La douleur postérieure de la cheville en hyperflexion plantaire du pied, la douleur rétro-malléolaire à la flexion contrariée du gros orteil, les clichés comparatifs et le scanner éventuel doivent permettre de faire le diagnostic
    • A distance du traumatisme, c’est la scintigraphie osseuse qui permettra de faire la différence entre os trigone ou pseudarthrose, en montrant une hyperfixation très localisée au niveau de la queue de l’astragale
    _335
  • Scintigraphie osseuse de cheville   Fracture du tubercule externe de l’astragale
    • La radiographie de face et de profil, surtout si elle est regardée rapidement, ne retrouve pas la fracture
    _336
  • Fracture du tubercule externe de l’astragale à peine visible  
    • C’est le cliché en rotation interne qui déroule le tubercule externe qui permet de faire le diagnostic
    _337
  • Fracture du tubercule externe de l’astragale visible  
    • Le scanner viendra confirmer le diagnostic et permettra de poser l’indication thérapeutique
    _338
  • Scanner d’une fracture du tubercule externe de l’astragale   Fracture de fatigue
    • Les radios de la cheville sont strictement normales et l’incidence de face du scaphoïde qui pourrait montrer la fracture n’est malheureusement jamais demandée dans le cadre de l’urgence
    • C’est en fait la scintigraphie couplée au scanner qui va permettre de faire le diagnostic souvent après plusieurs semaines d’errance diagnostique
    Lésion du tubercule accessoire du scaphoïde
    • Les radios montrent rarement un trait de fracture d’aspect récent et le scanner montre la présence d’un tubercule accessoire sans que l’on sache s’il est pathologique ou non
      _339
  • Fracture du tubercule interne du scaphoïde tarsien   _340
  • Scanner de la « fracture » du tubercule interne du scaphoïde   Cuboïde, cunéiformes, styloïde du 5e métatarsien, bases des métatarsiens
    • L’examen clinique, les radiographies orientées par cet examen et les incidences déroulant tout le pied doivent permettre de faire le diagnostic de ces lésions
    _342
  • Fracture non déplacée de la styloïde du 5e métatarsien  
    • Il faut éviter de demander un scanner ou une IRM au hasard ce qui ne viendra que compliquer les choses
    Traitement ENTORSES EXTERNES DE LA CHEVILLE Entorses bénignes
    • Définition : marche possible, oedème modéré, pas d’ecchymose, laxité en varus inférieure à 12° et tiroir antérieur inférieur à 8 mm
    • On propose un traitement fonctionnel avec, soit immobilisation par un strapping (à refaire plusieurs fois au cours du traitement), soit une attelle amovible associée à une rééducation spécifique (récupération des amplitudes, physiothérapie, rééducation proprioceptive)

    _951
    – – –
    Stapping de cheville pour entorse
    Entorses graves
    • Définition : marche souvent impossible (mais c’est loin d’être la règle), oedème plus ou moins important, ecchymose plus ou moins importante, laxité en varus > 12° et tiroir antérieur > 8 mm
    • On propose une immobilisation rigide pour 45 jours, suivie ensuite d’une rééducation spécifique (cf. entorse bénigne)
    • La chirurgie doit rester une indication exceptionnelle
    Entorses récidivantes
    • Il est illogique de proposer une immobilisation rigide car les ligaments ne cicatriseront pas et l’atrophie musculaire engendrée par l’immobilisation aggravera l’instabilité
    • Il faut se contenter d’un traitement fonctionnel et adresser le patient à un orthopédiste pour éventuelle prise en charge chirurgicale
    AUTRES ENTORSES DE LA CHEVILLE Entorses de la tibio-péronière inférieure
    • Lorsque les radios sont normales ou lorsqu’il existe un tout petit fragment osseux, une immobilisation rigide suffit (45 jours) pour faire cicatriser les lésions
    • En cas de fragment osseux volumineux et déplacé et en cas de diastasis tibio-péronier inférieur, un avis spécialisé doit être demandé car un traitement chirurgical s’impose
    Entorses du ligament latéral interne
    • Le traitement correspond habituellement à un traitement fonctionnel
    • Il faut envisager une immobilisation rigide en cas de douleur majeure empêchant une marche correcte
    Entorses médio-tarsiennes (articulation de Chopart)
    • Le traitement peut être fonctionnel ou orthopédique en cas de douleur intense (immobilisation rigide pour 30 à 45 jours)
    LUXATION DES TENDONS PERONIERS (FIBULAIRES)
    • Le traitement orthopédique est inefficace, il s’agit d’une indication opératoire formelle
    FRACTURES « NON VISIBLES » Calcanéum (calcaneus)
    • Traitement chirurgical en cas de déplacement
    • Traitement orthopédique en l’absence de déplacement (immobilisation rigide sans appui pendant 60 jours environ)
    Fracture du tubercule externe de l’astragale
    • Traitement chirurgical en cas de fragment déplacé
    • Immobilisation rigide pendant 45 à 60 jours dans tous les autres cas
    Fracture de fatigue
    • Traitement orthopédique lorsque cette lésion est vue tôt avec trait de fracture non élargi (botte rigide sans appui pendant 8 semaines)
    • Traitement chirurgical quand la lésion est vue tard avec trait élargi évoquant une pseudarthrose
    Lésion du tubercule accessoire du scaphoïde
    • Dans le doute et devant une douleur non négligeable, il faut immobiliser de manière rigide le pied (botte plâtrée ou résine) pendant 45 jours
    • S’il persiste des douleurs à l’ablation du plâtre, il faut demander une scintigraphie osseuse au technétium 99 qui pourra montrer une hyperfixation à ce niveau :  
      • si c’est le cas, il faudra envisager un traitement chirurgical (exérèse ou avivement-reposition du fragment)
    _341
  • Aspect scintigraphique de la « fracture » du tubercule interne du scaphoïde tarsien   AU TOTAL
    • Toute « grosse cheville » pour laquelle les clichés radiologiques bien faits, bien orientés et bien interprétés n’ont pas retrouvé de lésion osseuse doit être immobilisée dans une botte rigide (plâtre ou résine) pour au moins un mois
    • Il ne faut pas faire de traitement fonctionnel qui risque d’être à l’origine d’une raideur en équin de la cheville, de douleurs traînantes et fastidieuses, d’une algodystrophie, d’une pseudarthrose d’une fracture occulte non diagnostiquée
    • Il ne faut pas demander de scanner ou d’IRM au hasard, sans savoir ce que l’on cherche
    Bibliographie
    • Traumatologie à l’usage de l’urgentiste. Sous la direction de Dominique Saragaglia. Editions Sauramps Médical. 2004
    Auteur(s) : Jean-Jacques BANIHACHEMI, Dominique SARAGAGLIA     Facebook Page Medical Education——Website Accueil —— Notre Application
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