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Rhabdomyolyse

Spécialité : metabolisme / pédiatrie / traumatologie /

Points importants

  • Fréquente : traumatologie, immobilisations prolongées, intoxications
  • A rechercher (CPK, BU)
  • Traitement rapide car pronostic vital (hyperkaliémie, CIVD) et fonctionnel (IRA, gangrène, amputation)
  • Traitement = hydratation +++
  • Entraîne une insuffisance rénale aiguë dans 8-15% des cas
  • 5% de mortalité

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Variables +++ et non spécifiques, les signes de la cause étant au premier plan

Généraux

  • Asthénie voire coma
  • Ou agitation
  • Nausées / vomissements

Spécifiques

  • Myalgies
  • Urines rouges ou brunes : classique mais inconstant, de rosées à noirâtres

CONTEXTE

Circonstances de survenue

  • Traumatologie : ischémie musculaire et lyse par compression directe ou écrasement (crush syndrome) ou brûlure
  • Comas, overdoses, immobilisations prolongées : par compression directe ou par ischémie en aval d’un axe vasculaire comprimé
  • Utilisation excessive de l’énergie :
    • sepsis sévère, infections virales et bactériennes
    • toute contraction musculaire répétée : effort musculaire intense, états d’agitation (delirium, bouffées délirantes, intoxication à la cocaïne…), crises convulsives, tétanos, électrisation
    • coup de chaleur, syndrome malin des neuroleptiques et hyperthermie maligne
    • plus rarement : orages catécholaminergiques : phéochromocytome, crise aiguë thyrotoxique…
  • Poisons métaboliques : CO, cyanure, certains métaux (mercure, fer, cuivre)
  • Déplétion potassique : abus de laxatifs et diurétiques, minéralocorticoïdes
  • Toxicité musculaire directe :
    • myosites virales ou auto-immunes
    • statines +++ et clofibrate, mais aussi corticoïdes, antipaludéens, intoxication alcoolique chronique et aiguë
    • certaines associations : statines + jus de grenade ou jus de pamplemousse (inhibition du cytochrome P450)

EXAMEN CLINIQUE

  • Pas de signes cliniques si forme non grave
  • Rash cutané
  • Possibilité d’HoTA (hypovolémie)
  • Possibilité de syndrome de loge secondaire, tension musculaire avec oedème des masses musculaires, possibilité d’atteinte sensitive et motrice d’une ou plusieurs masses musculaires, voire tableau d’atteinte spinale
  • Nécrose musculaire +/- étendue, ischémie locale ou d’aval, infection voire gangrène, amputation (cas graves)

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

  • BU : recherche d’hémoglobinurie, pH urinaire (acide si < 6)
  • ECG : signes liés à l’hyperkaliémie
  • SpO2 : contexte d’état de choc

CIMU

  • Tri 1 ou 2

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • CPK : diagnostic et évolution. Cinétique : pic au 3° jour :
    • rhabdomyolyse si > 1000 UI/L
    • grave si > 7000
    • sévère si > 16000
  • Myoglobine : moins sensible
  • ASAT et LDH : peuvent augmenter mais non spécifiques
  • Gazométrie artérielle et bicarbonates sanguins : recherche d’acidose métabolique
  • Ionogramme sanguin :
    • dyskaliémie : hyperkaliémie avec insuffisance rénale aiguë, hypokaliémie voire kaliémie normale si la déplétion potassique est la cause
    • insuffisance rénale aiguë : nécrose tubulaire aiguë ou précipitation tubulaire de la myoglobine, hypovolémie
    • réserve alcaline basse
  • Recherche d’hypocalcémie et d’hyperphosphorémie (relargage cellulaire)
  • Acide urique : recherche d’hyperuricémie
  • Coagulation intraveineuse disséminée (CIVD) : D-dimères augmentés, thrombopénie < 100 000 (grave si < 50 000), TP < 65% (grave si < 50%), fibrinogène < 1g/L
  • Ionogramme urinaire : quantifier et guider le traitement de l’insuffisance rénale

IMAGERIE

  • Body-scan et recherche de fractures si patient traumatisé
  • Tous examens liés à la pathologie causale
  • Pression des loges musculaires : ischémie si Pression > 40 mmHg pendant plus de 8h

Diagnostic étiologique

Traumatologie

  • Traumatisme fermé sévère
  • Lésion électrique de haut voltage
  • Brûlures extensives
  • Immobilisations prolongées

Activité musculaire excessive

  • Exercice inhabituel éprouvant (marathon)
  • Crise convulsive
  • Asthme aigu grave
  • Dystonie sévère
  • Psychose aiguë

Toxique

  • Ethanol, méthanol, éthylène glycol
  • Héroïne
  • Méthadone
  • Barbituriques
  • Cocaïne
  • Amphétamine
  • LSD (lysergic acid diethylamide)
  • Monoxyde de carbone
  • Toluène
  • Envenimations par serpent, araignées

Causes environnementales

  • Hyperthermie
  • Hypothermie

Causes métaboliques

  • Hyponatrémie, hypernatrémie
  • Hypokaliémie
  • Hypophosphatémie
  • Hypo ou hyperthyroïdie
  • Acidocétose diabétique
  • Coma diabétique hyperosmolaire

Infections virales

  • Influenza de type A et B
  • VIH
  • Virus Coxsackie
  • Le virus Epstein-Barr
  • Echovirus
  • Cytomégalovirus
  • Adénovirus
  • Herpes simplex
  • Virus parainfluenzae
  • Varicelles – zona

Infections bactériennes

  • Streptococcus pneumoniae
  • Streptocoques du groupe bêta
  • Streptococcus pyogènes
  • Staphylocoque epidermidis
  • Escherichia coli
  • Clostridium perfringens
  • Clostridium tetani
  • Plasmodium
  • Rickettsia
  • Salmonelles
  • Listeria
  • Legionella
  • Mycoplasmes
  • Brucella
  • Leptospira

Infections fongiques

  • Candida
  • Aspergillus

Polymyosite, dermatomyosite, myopathie

Médicaments

  • Anti-histaminiques
  • Salicylates
  • Caféine
  • Neuroleptiques/antipsychotiques
  • Anesthésiques, curares (hyperthermie maligne)
  • Amphotéricine B
  • Quinine
  • Corticoïdes
  • Statines
  • Théophylline
  • Anti-dépresseurs tricycliques
  • Inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine
  • Acide aminocaproïque

Diagnostic différentiel

  • Elévation des CPK liée à un syndrome coronarien
  • Hémoglobinurie

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Lutte contre l’hypovolémie +++

Stabilisation initiale

  • Patient incarcéré :
    • scope ECG dès que possible, pose de voie veineuse périphérique
    • remplissage vasculaire avant la levée de la compression (NaCl 0,9% ou macromolécules, pas de solutés contenant du potassium)
    • si incarcération prolongée : risque d’hyperkaliémie brutale et sévère à la levée de compression : liée à la lyse musculaire, majorée si utilisation de célocurine pour l’intubation trachéale : alcalinisation et injection de chlorure de calcium
  • Aux urgences / au déchocage :
    • remplissage, au mieux guidé par l’échographie cardiaque. NaCl 0,9% 500 mL/h pour avoir une diurèse horaire de 200 – 300 mL
    • évaluation et suivi de la diurèse (SAD « facile »)
    • correction des troubles ioniques
    • contrôle de la température :
      • lutte contre l’hypothermie : couvertures chauffantes, réchauffement des perfusions et transfusions…si patient intubé/ventilé et sédaté : curarisation pour éviter les frissons liés au réchauffement
      • ou à l’inverse, lutte contre l’hyperthermie si coup de chaleur/ hyperthermie maligne…
    • si délabrement cutané : parage/ lavage, antibioprophylaxie à visée anti-anaérobies (max 48 heures), vérification de la vaccination antitétanique

Suivi du traitement

  • En service de post-urgences ou en réanimation selon la pathologie causale
  • Traitement et prévention des complications générales (surtout rénales) :
    • hydratation : apports de base 30 à 35 mL/kg/j + apport complémentaire de NaCl 0,9% afin d’obtenir une diurèse de 1 mL/kg/h, voire 2 à 3 mL/kg/h si rhabdomyolyse sévère. Limites : attention si oedème pulmonaire lié à des contusions par exemple. Guidage par l’échographie cardiaque au moindre doute
    • correction des troubles ioniques :
      • K+ : cf. chapitre 
        <a “pathologies_34″=””>hyperkaliémie
      • compensation en calcium et phosphore
    • épuration extra-rénale (EER) en réanimation en cas d’insuffisance rénale aiguë ne répondant pas au remplissage. L’EER préventive en cas de rhabdomyolyse sévère mais avant l’installation d’IRA oligo-anurique n’a pas montré de bénéfice
    • alcalinisation : classique mais non pratiqué de façon universelle et bénéfice non prouvé. Néanmoins recommandé si CPK > 6000 UI/L, acidose, insuffisance rénale préexistante, déshydratation :
      • bicarbonates à 1,4%, 100mL/h pour obtenir un pH urinaire > 7
    • mannitol : classique mais bénéfice non prouvé et risques d’effets secondaires, quasiment abandonné
    • diurétiques : « diurèse forcée » classique mais à abandonner : l’IRA est certes liée à la précipitation de la myoglobine dans les tubules, mais seulement en cas d’association hypovolémie + urines acides : la diurèse forcée aggrave l’hypovolémie, masque l’oligurie et acidifie les urines
    • CIVD : transfusion de PGR, PFC, fibrinogène et plaquettes en fonction du contexte et des bilans biologiques
    • prévention des thromboses veineuses chez les patients alités, après stabilisation initiale et en l’absence de lésion à risque hémorragique associée
    • certains auteurs proposent des traitements anti-oxydants (lutte contre les radicaux libres) : vitamines E et C, zinc, sélénium et manganèse, mais bénéfice non prouvé
    • l’administration de calcium n’est pas recommandée
  • Complications locales ou locorégionales :
    • surveillance des loges musculaires, recherche d’ischémie d’aval (clinique, doppler)
    • certaines équipes proposent la surveillance de la pression musculaire : ischémie si pression > 40 mmHg ou PAD – 30 mmHg pendant 6 à 8h
    • aponévrotomie de décharge si syndrome des loges lié à l’augmentation de pression dans les loges musculaires. Risque infectieux+++
  • Excision des muscles nécrosés (sans urgence)

Surveillance

CLINIQUE

  • Diurèse +++/h
  • Etat général : asthénie, hyperventilation
  • Œdème musculaire, pouls et coloration des membres, état cutané
  • ECG voire scope si hyperkaliémie
  • pH urinaire (BU)

PARACLINIQUE

  • CPK/6-12 h
  • Ionogramme sanguin : kaliémie, urée/ créat, calcium, phosphore
  • Ionogramme urinaire : calcul de la clairance de la créatinine
  • Cas particulier de l’enfant : causes et pronostic différents de l’adulte :
    • myopathies et myosites +++
    • moins de risque d’IRA
    • pas d’intérêt au traitement par bicarbonate

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

  • Service d’hospitalisation si CPK < 10 000, troubles ioniques non menaçants, pas de nécessité de scope
  • Réanimation si nécessité de scope ou IRA, CIVD voire défaillance multiviscérale

CRITERES DE SORTIE

  • Liés à la pathologie causale
  • Normalisation des troubles ioniques et de la fonction rénale
  • Etat cutané satisfaisant

Mécanisme / description

  • Rhabdomyolyse :
    • liée à la lyse des fibres musculaires striées dont le contenu est libéré dans la circulation générale
    • causes (cf. étiologies) : toute situation entraînant un déséquilibre entre apports et besoins métaboliques :
      • apport insuffisant en oxygène par compression vasculaire d’amont ou compression musculaire directe
      • utilisation excessive d’énergie : toute contraction musculaire intense et répétée
      • poisons métaboliques : toute interaction avec les systèmes de production d’ATP
      • déplétion potassique : par gêne à la regénération de phosphocréatine et à la glycogénolyse
      • toxicité musculaire directe par de nombreux toxiques et médicaments
  • Insuffisance rénale aigue (30 – 40 % des cas) : nécrose tubulaire aigue :
    • par précipitation de la myoglobine et de cristaux d’acide urique dans les tubules
    • aggravée par le pH acide des urines (< 6)
    • étroitement liée à la perfusion rénale : pas d’IRA malgré des taux élevés de CPK et myoglobine si pas d’hypovolémie
    • hypovolémie (séquestration d’eau plasmatique dans les myocytes lésés)
  • Défaillance multiviscérale : liée à l’association hypovolémie, acidose métabolique, troubles ioniques, et au syndrome d’ischémie/ reperfusion, en plus de la pathologie causale

Bibliographie

  • B. Vigué in « Anesthésie-réanimation chirurgicale », K.Samii et al, chapitre 57, p 847- 854
  • A. Ellrodt in « Urgences médicales », édition 2002, p 180-181
  • Brown et al. Preventing renal failure in patients with rhabdomyolysis : do bicarbonate and mannitol make a difference? J Trauma 2004; 56: 1191-96
  • Mannix et al. Acute pediatric rhabdomyolysis : causes and rates of renal failure. Pediatrics 2006; 118: 2119-2125
  • Fernandez et al. Factors predictive of acute renal failure and need for hemodialysis among patients with rhabdomyolysis. Am J Emergency Med 2005; 23: 1-7
  • Alardin et al. Bench to bedside review : rhabdomyolysis- an overview for clinicians. Critical Care 2005; 9:158-169

Auteur(s) : Oriane FONTAINE- KESTELOOT

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