Spécialité : pediatrie / toxicologie /
Points importants
- Sels de lithium (carbonate et gluconate de lithium) utilisés dans le traitement de la maladie bipolaire
- Index thérapeutique étroit
- Posologie individuelle déterminée pour obtenir une lithémie comprise entre 0,6 et 0,8 mmol/L (seuil de toxicité : 1,2 mmol/L)
- Absence de corrélation stricte entre la lithémie et la sévérité du tableau clinique de l’intoxication
- Gravité du tableau clinique : surdosage chronique > intoxication aiguë sur chronique > intoxication aiguë
- Un surdosage clinique peut se voir avec une lithémie en zone thérapeutique => intérêt éventuel de la mesure de la concentration de lithium intra-érythrocytaire
- Non carbo-adsorbable => décontamination gastro-intestinale par lavage gastrique ou irrigation intestinale
- Epuration possible par hémodialyse
- Facteurs de risque de surdosage en lithium :
- déshydratation
- diurétiques
- déplétion sodée
- AINS
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
- Anorexie, asthénie, nausées, vomissements, diarrhée
- Tremblement fin des extrémités
- Modification de l’écriture
- Soif, polyurie évocatrices de diabète insipide
CONTEXTE
- Surdosage thérapeutique, en particulier chez l’insuffisant rénal
- Intoxication volontaire aiguë sur prise chronique :
- majoration retardée des symptômes initiaux
- symptomatologie sévère avec encéphalopathie et convulsions
- Intoxication volontaire aiguë en l’absence de traitement préalable :
- symptomatologie modérée même en cas de lithémie élevée
EXAMEN CLINIQUE
Signes neurologiques
- Encéphalopathie myoclonique :
- ralentissement psychomoteur
- obnubilation réalisant un état crépusculaire
- coma agité
- convulsions
- hypertonie pyramidale
- Tremblement fin des extrémités
- Fasciculations
- Dysarthrie
- Nystagmus
- Encéphalopathie pouvant être prolongée sur plusieurs semaines (surdosage, intoxication aiguë sur prise chronique), sans corrélation avec la lithémie
- Cas de l’intoxication chronique => classification d’AMDISEN
- grade 1 :
- lithémie = 1 mmol/L => tremblement fin
- lithémie = 1,5 mmol/L => tremblement marqué
- lithémie = 2 mmol/L => hyperréflexie, dysarthrie
- grade 2 : lithémie = 2,5 mmol/L => myoclonies, ataxie, confusion
- grade 3 : lithémie > 3 mmol/L => delirium, coma, convulsions
- grade 1 :
- Risque de séquelles :
- syndrome cérébelleux
- troubles mnésiques antérogrades
Signes cardiaques
- Collapsus (rare), dans le cas d’une hypovolémie (diarrhée) ou d’un sepsis associé (pneumopathie d’inhalation) et plus rarement d’une vasoplégie ou d’une atteinte cardiogénique directe
Autres
- Hypothyroïdie dans les surdosages chroniques
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
ECG
- Troubles de la repolarisation fréquents
- Plus rarement troubles du rythme et de la conduction, élargissement des QRS, bradycardie sinusale
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
- Troubles hydro-électrolytiques :
- hypernatrémie – recherche d’un diabète insipide néphrogénique
- Insuffisance rénale fonctionnelle initialement puis organique (rhabdomyolyse secondaire aux convulsions mais aussi spécifique)
- CPK
- Lithémie
IMAGERIE
EEG
- Distinguer myoclonies de convulsions
- Recherche d’un état de mal infraclinique
- Surveillance du traitement anti-épileptique
TDM cérébrale
- En cas de doute diagnostique, signe de localisation neurologique
Diagnostic étiologique
- Surdosage chronique ou intoxication aiguë
Diagnostic différentiel
- Toutes les autres causes d’encéphalopathie :
- intoxication par anticholinergiques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine
- Causes infectieuses, métaboliques, lésionnelles
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
- . Traitement évacuateur :
- le lithium n’est pas adsorbé par le charbon activé
- décontamination gastro-intestinale par lavage gastrique si l’ingestion date de moins de 2 heures et en l’absence de contre-indications
- l’irrigation intestinale avec des laxatifs de leste (jusqu’à 4 litres de PEG /j) jusqu’à l’obtention d’un effluent rectal clair peut être utilisée en cas d’ingestion massive de formes à libération prolongée chez un patient vu au-delà des 2 heures de l’ingestion
- attention au risque d’insuffisance rénale fonctionnelle par déshydratation
- Traitement symptomatique :
- convulsions : benzodiazépines comme le diazépam (adulte : 10 à 20 mg en IVL renouvelable ; enfant : 0,2 à 0,3 mg/kg renouvelable) et traitement d’un état de mal convulsif
- intubation et ventilation mécanique sur critères neurologiques (Glasgow ≤ 8, encéphalopathie avec toux inefficace et absence de contrôle du carrefour aéro-digestif, convulsions répétées) ou respiratoires (détresse sur pneumopathie d’inhalation)
- traitement de la déshydratation : glucosé isotonique à 5 % en cas de diabète insipide, sinon NaCl 0,9% à adapter aux bilans biologiques
- Traitement épurateur :
- l’apport de sel accroît l’élimination rénale et cellulaire du lithium : NaCl 0,9% ou Ringer Lactate (préférable afin d’éviter l’hypernatrémie) 2 000 mL à 3 000 mL/24 h en l’absence de pathologie cardiaque, à adapter aux bilans biologiques
- hémodialyse (technique de référence) :
- intérêt = diminution du pool cellulaire du lithium
- permet une épuration de 5 à 10 fois la clairance du sujet à reins sains
- indications de l’hémodialyse : Intoxication grave par le lithium avec signes cliniques neurologiques (encéphalopathie) sévères ou en aggravation, lithémie élevée, insuffisance rénale compromettant l’élimination du lithium
- ces conditions se rencontrent essentiellement en cas de surdosage thérapeutique ou d’intoxication aiguë sur prise chronique
- répéter les séances d’hémodialyse en raison de la faible vitesse de diffusion tissulaire et du risque de rebond de la lithémie à l’arrêt de la séance d’hémodialyse
- l’hémofiltration ou hémodiafiltration continue sont indiquées en cas d’impossibilité de faire une hémodialyse ou de grande instabilité hémodynamique. Les techniques continues pourraient réduire le risque de rebond
MEDICAMENTS
- Antibiothérapie si pneumonie d’inhalation (amoxicilline – acide clavulanique 3 g/j)
- Benzodiazépines si convulsions
Surveillance
CLINIQUE
- Capacité à déglutir la salive
- Capacité à tousser de façon efficace
- Score de Glasgow
- Examen neurologique
PARACLINIQUE
- Surveillance bilan entrées-sorties
- Ionogrammes sanguins rapprochés, fonction rénale, ionogramme urinaire
- Lithémie quotidienne
- ECG si anomalie initiale
- EEG en cas d’encéphalopathie à la recherche de comitialité
Devenir / orientation
CRITERES D’ADMISSION
En préhospitalier
- Si absence de critères de gravité : pas de troubles de la vigilance, pas de convulsions, pas de détresse respiratoire, pas de suspicion de troubles hydro-électrolytiques, pas de suspicion d’insuffisance rénale => surveillance aux Urgences
En intrahospitalier
- Indications larges d’admission en réanimation :
- troubles de la vigilance, encéphalopathie, convulsions
- détresse respiratoire sur pneumonie d’inhalation
- troubles hydro-électrolytiques, insuffisance rénale
- pathologie cardiaque préexistante
- lithémie élevée
- intoxication chez un sujet préalablement traité ou en cas de surdosage important
CRITERES DE SORTIE
- Récupération neurologique complète
- Absence de détresse respiratoire
- Absence de troubles hydro-électrolytiques et d’insuffisance rénale
- Lithémie en zone thérapeutique
Mécanisme / description
METABOLISME
- Métal alcalin de faible poids moléculaire
- A dose thérapeutique : pic plasmatique atteint entre H2 et H4, et la concentration à l’équilibre en 5 à 6 jours
- Biodisponibilité de 100 %
- Liaison protéique nulle
- Volume de distribution de l’ordre de 1 L/kg
- Distribution pluri-compartimentale
- Diffusion retardée et lente d’un secteur à un autre, relargage cellulaire
- Le lithium n’est pas métabolisé dans l’organisme, son élimination est rénale à 95 %, sous forme inchangée
- Réabsorption tubulaire à 80 %
- Compétition avec le sodium lors de la réabsorption tubulaire : la déplétion sodée et les salidiurétiques majorent la toxicité du lithium
- La demi-vie du lithium est d’environ 22 h, augmentée à 58 h en cas de prise au long cours
- En situation thérapeutique, un à deux tiers de la quantité absorbée sont éliminés dans les urines en 6 à 12 heures, le reste est éliminé de façon prolongée en 10 à 14 jours, témoignant du stockage tissulaire, en particulier osseux
PHARMACODYNAMIE
- Le cation lithium reproduit les effets du cation Na+ sur les canaux sodiques voltage-dépendants (tissus excitables)
- Modification des systèmes de second messager : phosphatidyl inositol, diminution de l’AMPc
Bibliographie
- Urgences toxicologiques de l’adulte. Intoxication par lithium. V.Danel. Editions Arnette. P 51-54
- Waring WS. Management of lithium toxicity. Toxicol Rev 2006;25:221-230
Auteur(s) : Isabelle MALISSIN
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