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Intoxication : monoxyde de carbone

Spécialité : pediatrie / toxicologie /

Points importants

  • Une des principales causes de mort accidentelle d’origine toxique
  • Produit lors de toute combustion incomplète de matières organiques (dysfonctionnement d’appareils de chauffage à combustion, utilisation d’engins à moteur dans un espace mal ventilé, fumée de tabac, incendie…)
  • Gaz incolore, inodore, non irritant – l’exposition passe souvent inaperçue
  • Le diagnostic repose sur l’anamnèse (symptomatologie collective évocatrice, notion de source d’exposition), le dosage du CO dans l’atmosphère, dans l’air expiré, dans le sang
  • Tout trouble neurologique inexpliqué doit faire évoquer le diagnostic
  • Risque essentiellement neurologique et cardiovasculaire
  • Chez la femme enceinte, absence de parallélisme entre la sévérité de l’intoxication maternelle et celle de l’enfant
  • Traitement par oxygénothérapie normobare à débuter devant toute suspicion, sans attendre la confirmation biologique

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Triade classique

  • Céphalées
  • Vertiges
  • Nausées/vomissements

Signes neuropsychiques

  • Perte de connaissance, convulsions, déficit neurologique
  • Agitation, angoisse, hallucinations

Signes cardiovasculaires

  • Douleur thoracique
  • Palpitations

CONTEXTE

Circonstances de survenue

  • Importance du caractère collectif des symptômes
  • Variation saisonnière de l’incidence avec pic en période hivernale
  • Accident de travail : pompiers, industrie métallurgique, …
  • Parfois but suicidaire

Sources d’intoxication

  • Défaillance d’appareil de chauffage (chaudière, chauffe-eau au gaz, chauffage d’appoint…)
  • Utilisation d’engin à moteur dans un espace non ventilé
  • Incendie : intoxication associée au cyanure et aux gaz irritants

EXAMEN CLINIQUE

Cardio-vasculaire

  • Douleur thoracique (toujours penser aussi au SCA)
  • Troubles du rythme cardiaque
  • OAP cardiogénique
  • Collapsus cardio-vasculaire

Pulmonaire

  • Recherche de pneumopathie d’inhalation si coma

Neurologique

  • Troubles du comportement : confusion, désorientation, agitation, bouffée délirante
  • Troubles de conscience : perte de connaissance transitoire, coma agité ou calme
  • Troubles du tonus : hypertonie (trismus, hypertonie de type décérébration ou décortication)
  • Signes pyramidaux ou extrapyramidaux
  • Convulsions, myoclonies
  • Syndrome déficitaire focalisé
  • Le fond d’oeil peut montrer des signes d’HTIC ou une hémorragie rétinienne

Signes cutanés

  • Teinte cochenille des téguments classiquement décrite mais rare chez les intoxiqués vivants
  • Coloration rouge cerise des lèvres, également rare
  • Plus souvent cyanose (signe de gravité)
  • Phlyctènes en cas de coma (compression)

Examen obstétrical chez la femme enceinte

  • Evaluer la tolérance foetale

Autres signes

  • Sont contextuels
  • Rechercher des brûlures cutanées ou muqueuses (si incendie)

Syndrome post-intervallaire

  • Rare (< 3% des cas)
  • Survient de 3 jours à 1 mois après l’intoxication
  • Réaggravation des troubles neurologiques :
    • détérioration intellectuelle
    • troubles du comportement
    • syndrome extrapyramidal
    • syndrome cérébelleux
    • troubles auditifs
    • cécité corticale…
  • Aggravation des troubles pendant quelques semaines puis lente récupération complète en 12 à 18 mois

Syndrome séquellaire

  • Age > 60 ans = facteur prédictif
  • Persistance des signes cliniques initiaux :
    • neurologique (syndrome parkinsonien, neurovégétatif, déficitaire)
    • psychiatrique (syndrome psychotique ou démentiel)
    • cardiaques (troubles isolés de la repolarisation, insuffisance myocardique)

Forme chronique

  • Asthénie, céphalées, vertiges rythmés par l’exposition
  • Troubles mentaux organiques : troubles mnésiques, troubles de la concentration, troubles du sommeil
  • Syndrome extrapyramidal
  • Angor, troubles ECG
  • Hypotrophie foetale

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

SpO2

  • Fréquemment normale, car le spectre du CO est le même que celui de l’O2 – SpO2 n’élimine pas le diagnostic (Si SpO2 basse = signe de gravité)

CO-oxymètre digital

  • Résultat exprimé en % d’HbCO
  • Avantages :
    • réalisation rapide
    • utilisation possible chez le jeune enfant
    • technique non invasive
  • Limites :
    • résultat faussé si capteur mal positionné

CO expiré

  • Concentration en monoxyde de carbone dans l’air expiré
  • Résultat mesuré en ppm, exprimé en équivalent d’HbCO
  • Avantages :
    • mesure par appareil portable possible sur le lieu de l’intoxication
    • technique non invasive
  • Limites :
    • nécessité de participation active du sujet
    • maintenance des appareils de mesure

Toujours faire une glycémie capillaire, pour éliminer une hypoglycémie

ECG

  • Montre souvent une tachycardie sinusale
  • Peut montrer :
    • troubles de la repolarisation non spécifiques
    • troubles du rythme
    • signes d’ischémie
    • survenant plus volontiers sur terrain prédisposé

CIMU

Tri 2 à 5 en fonction de la gravité clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

Carboxyhémoglobine ou HbCO (pourcentage d’hémoglobine liée au CO)

  • < 3% chez les non fumeurs
  • 5 à 10% chez les fumeurs (consommation de 20 à 40 cigarettes/j), parfois plus
  • A interpréter en fonction du délai entre l’arrêt de l’exposition et le moment du prélèvement, une éventuelle oxygénothérapie préalable (voir toxicocinétique), les habitudes tabagiques
  • Dosage à réaliser dans l’heure suivant le prélèvement (au-delà, risque de sous-estimation de l’HbCO)

Oxycarbonémie (mesure du CO sanguin total, fixé à l’hémoglobine et dissout)

  • < 0,6 mL pour 100 mL de sang (0,27 mmol/L) chez les non fumeurs
  • 1 à 2 mL pour 100 mL (0,45 à 0,89 mmol/L) chez les consommateurs de 10 à 20 cigarettes/j
  • corrélée à l’HbCO : HbCO (%) = CO total (mL/100 mL) x 100/Hb (g/dL) x 1,42
  • A préférer à l’HbCO si dosage retardé

Carboxyhémoglobinémie ou oxycarbonémie sur prélèvement veineux

Troponine (si douleur thoracique ou anomalies ECG)

CPK (rhabdomyolyse)

Gazométrie artérielle (acidose métabolique ou mixte dans les formes graves)

IMAGERIE

Echographie foetale en cas d’intoxication chez une femme enceinte

Radiographie thoracique

  • OAP
  • Pneumopathie d’inhalation)

TDM ou IRM cérébrales

  • Non indiquées pour le diagnostic, mais pour le retentissement
  • Ischémie bilatérale des pallidums (non spécifique) = signe de gravité

Diagnostic étiologique

  • Source exogène de CO : combustion incomplète de matières organiques
  • Cas particulier : CO produit lors du métabolisme hépatique du chlorure de méthylène ou dichlorométhane (contenu dans certains décapants pour peinture)

Diagnostic différentiel

  • Pathologies infectieuses : syndrome grippal, intoxication alimentaire
  • Pathologies psychiatriques
  • Pathologies neurologiques : AVC, méningite, TC…
  • Pathologies cardio-vasculaires : SCA d’autres causes
  • Intoxication à d’autres gaz toxique, à la fumée, mais surtout au cyanure

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Extraire le patient de l’atmosphère contaminée, avec les précautions d’usage
  • Dosage du CO dans l’air ambiant (détecteur portatif)
  • Dosage du CO expiré ou prélèvement sanguin sur place, si possible
  • Réanimation cardio-respiratoire, remplissage vasculaire, drogues inotropes si nécessaire
  • Oxygénothérapie normobare :
    • au masque à haute concentration, à fort débit (12 à 15 L/min chez l’adulte)
    • dès suspicion du diagnostic et sans attendre la confirmation par le dosage biologique
  • Ou ventilation contrôlée si détresse respiratoire ou neurologique 
  • Contacter un service de médecine hyperbare si indication à l’oxygénothérapie hyperbare :
    • trouble neurologique objectif quelles que soient sa gravité et sa durée
    • trouble cardiaque clinique ou électrocardiographique
    • femme enceinte quel que soit le taux d’HbCO

Suivi du traitement

  • Oxygénothérapie normobare :
    • durée totale de 6 à 12 heures selon les protocoles
  • Oxygénothérapie hyperbare :
    • 1 séance à 2,5 atmosphères le plus souvent

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, PA, FC, douleur thoracique/h
  • Scope
  • ECG
  • En général, amélioration rapide des symptômes sous oxygénothérapie

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Transport aux urgences en l’absence de signes neurologiques ou cardiovasculaires objectifs, sous oxygénothérapie au masque
  • Transport en service de médecine hyperbare si indication de caisson

EN INTRAHOSPITALIER

Critères d’admission en réanimation

  • Troubles de la conscience persistants
  • Collapsus cardio-vasculaire
  • SCA

Critères de sortie

  • Oxygénothérapie administrée selon protocole (pas de nécessité de dosage biologique de contrôle)
  • Certificat médicat initial en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle
  • Prévoir consultation de suivi à 1 mois pour recherche de syndrome post-intervallaire, ECG de contrôle (si anomalies initiales)
  • Prévoir consultation gynécologique de contrôle rapidement (femme enceinte)
  • Déclaration des cas d’intoxication d’origine domestique ou professionnelle au Centre antipoison régional ou au Service santé environnement de la DDASS pour réalisation d’une enquête technique – prévention des récidives

Mécanisme / description

TOXICOCINETIQUE

  • Absorption respiratoire : excellente
  • Liaison à l’hémoglobine : affinité 250 fois celle de l’oxygène
  • Pas de biotransformation
  • Elimination respiratoire :
    • demi-vie d’élimination :
      • 4 heures en air ambiant
      • 80 min sous oxygénothérapie normobare
      • 20-25 min sous oxygénothérapie hyperbare
  • Passage placentaire :
    • l’Hb foetale se lie avec plus d’affinité au CO que l’Hb adulte
    • pas de parallélisme entre les HbCO maternelle et foetale : augmentation retardée et diminution plus lente chez le foetus, son taux pouvant dépasser celui de la mère

MECANISME D’ACTION

  • Fixation sur l’Hb pour former l’HbCO :
    • diminution de la capacité du sang à transporter l’oxygène
    • altération des capacités de dissociation de l’HbO2 – diminution de la délivrance tissulaire en oxygène
  • Fixation sur d’autres hémoprotéines :
    • myoglobine – diminution de la diffusion facilitée d’oxygène dans les cellules musculaires
    • cytochrome a3 – blocage des chaînes respiratoires mitochondriales

Bibliographie

  • Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Direction générale de la santé. Groupe des experts chargés d’élaborer les référentiels de la prise en charge des intoxications oxycarbonées. Repérer et traiter les intoxications oxycarbonées. Paris : DGS, 2005
  • Raphaël JC. Intoxication aiguë par le monoxyde de carbone. Rev Prat 2008 ; 58 : 849-54
  • Saviuc P, Danel V. Intoxication par le monoxyde de carbone. In: Arnette, editor. Intoxications aiguës en réanimation. Rueil-Malmaison; 1999. p. 205-15
  • Conso F. Monoxyde de carbone. In: Médecine-Sciences F, editor. Toxicologie clinique. Paris; 2000. p. 728-35
  • Ilano AL, Raffin TA. Management of carbon monoxide poisoning. Chest. 1990 Jan;97(1):165-9
  • Varon J, Marik PE, Fromm RE, Jr., Gueler A. Carbon monoxide poisoning: a review for clinicians. The Journal of emergency medicine. 1999 Jan-Feb;17(1):87-93
     

Auteur(s) : Nadia NIKOLOVA

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