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Dengue

Spécialité : infectieux /

Points importants

  • Infection virale généralement bénigne, la dengue, ou « grippe tropicale », transmise par des moustiques diurnes du genre Aedes, est la plus fréquente des arboviroses humaines
  • Présente dans la plupart des pays tropicaux, elle représente jusqu’à 15% des causes de fièvre au retour de voyage et une des premières cause de fièvre chez le voyageur en Asie
  • L’association fièvre aiguë, exanthème et leuconeutropénie avec thrombopénie dans les suites immédiates d’un séjour en zone d’endémie est très évocatrice
  • La guérison survient en moins d’une semaine, suivie éventuellement d’une convalescence parfois prolongée de quelques semaines
  • Le traitement est essentiellement symptomatique à base de paracétamol. La prise d’aspirine ou d’AINS est contre-indiquée (aggravation du risque hémorragique)
  • La dengue hémorragique ou les autres formes compliquées de dengue sont rarement décrites au cours de la dengue d’importation, touchant surtout les sujets ayant déjà antérieurement contracté la maladie et les patients atteints de co-morbidités

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Généraux

  • Fièvre très élevée (le plus souvent > à 39°C) d’installation brutale
  • Asthénie marquée durant 2 à 7 jours

Spécifiques

  • Polyalgies marquées (céphalées, douleurs rétro-orbitaires, dorsalgies, arthralgies et myalgies) contemporaines de la fièvre
  • Manifestations digestives (nausées ou vomissements) ou respiratoires possiblement associées

CONTEXTE

Terrain

  • Les formes graves sont plus fréquemment observées :
    • chez un sujet ayant un ATCD de dengue (la dengue hémorragique est 4,3 fois plus fréquente chez les migrants voyageant dans leur pays d’origine)
    • chez les jeunes enfants en zone d’endémie
    • en association avec une co-morbidité

Facteurs de risque

  • Séjour en zone d’endémie, notamment dans les villes, sans protection personnelle anti-moustique
  • Risque particulièrement élevé :
    • en Asie du Sud-Est (pic en juin et septembre) et du Sud (pic en octobre)
    • en Amérique du Sud (pic en mars)
    • aux Antilles (pic en août et octobre)
  • La dengue circule sur un mode endémo-épidémique dans les départements français d’Amérique (Guyane, Guadeloupe, Martinique), en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, et de manière sporadique à la Réunion et à Mayotte
  • Premier cas autochtone de dengue rapporté à Nice (Alpes Maritimes) le 10 septembre 2010

Circonstances de survenue

  • Incubation courte entre 4 à 7 jours (de 3 à 14 jours)

EXAMEN CLINIQUE

  • Continuum entre les formes asymptomatiques, fréquentes, et la forme classique.

Forme classique

  • Exanthème survenant 1 à 2 jours après le début de la fièvre (observé chez 50 à 82% des patients), maculaire ou maculopapulaire, initialement de la face, du cou et du tronc puis secondairement généralisé, laissant des îlots de peau saine, volontiers prurigineux
  • Manifestations hémorragiques non rares :
    • pétéchies, purpura
    • épistaxis
    • gingivorragies
    • ménorragies
  • Enanthème, hyperhémie conjonctivale
  • Poly-adénopathies non spécifiques

Formes compliquées : exceptionnelles chez le voyageur (1% environ des formes symptomatiques, plus fréquentes en cas de dengue antérieure ou de co-morbidités)

  • Formes atypiques graves : dès la phase aiguë, survenue de
    • myocardite
    • hépatite fulminante
    • atteinte neurologique centrale ou périphérique
    • ou rhabdomyolyse
  • Dengue hémorragique :
    • complication d’apparition retardée
    • contemporaine de la défervescence thermique (à partir de J4)
    • conséquence de l’accroissement de la perméabilité du lit capillaire avec fuite plasmatique

s’accompagne d’épanchements (pleural, ascite) et de signes d’hémorragies cutanéo-muqueuses extensives ou internes (hématurie, hémorragie digestive ou cérébrale)

  • Dengue hémorragique avec choc :
    • forme évoluée de la dengue hémorragique
    • + signes de choc (agitation, pouls rapide et filant, PA systolique <90 mmHg ou PA différentielle = 20 mmHg)

CIMU

  • Tri 1 à 5 selon la gravite clinique (formes compliquées)

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • NFS/plaquettes :
    • leuconeutropénie (classiquement < 4 000/mm3) ;
    • thrombopénie (valeur pronostique péjorative si < 50 000/mm3) ;
    • hémoconcentration (en faveur d’une dengue hémorragique si élévation de l’hématocrite > 20% de sa valeur initiale ou attendue)
  • CRP (généralement peu élevée)
  • Transaminases (valeur pronostique péjorative si > 5N)
  • Ionogramme sanguin (hypoprotidémie < 50 g/L ou albuminémie < 25 g/L en faveur d’une dengue hémorragique)
  • Créatinine (insuffisance rénale le plus souvent fonctionnelle)
  • CPK (élevées si lyse musculaire associée)
  • Troponine si élévation des CPK (atteinte myocardique associée)
  • Frottis sanguin / goutte épaisse systématique à la recherche de paludisme si retour de zone d’endémie palustre
  • Hémoculture systématique (pour éliminer une autre affection fébrile neutropéniante, comme la fièvre typhoïde)

Ces examens figurent également dans le « diagnostic étiologique »…

IMAGERIE

  • Echographie abdominale
  • Radio de thorax (dans les formes compliquées, à la recherche d’épanchements)
  • Imagerie cérébrale (si suspicion de méningo-encéphalite, hémorragie cérébrale)
     

Diagnostic étiologique

  • Détection de l’antigène NS1 (Elisa ou ICT, réalisable dans la plupart des laboratoires d’analyses médicales) du premier au 5e jour après l’apparition des signes cliniques :
    • si positif : la dengue est confirmée
    • si négatif : la dengue n’est pas exclue ; poursuivre le diagnoctic de dengue avec les autres test
  • Sérologie de la dengue (externalisée, rendu des résultats à distance) :
    • présence d’IgM spécifiques à partir de J5 du début des symptômes
    • important en consultation de suivi pour le diagnostic retrospectif
  • PCR spécifique dans le sang (adressé au Centre National de Référence) si prélèvement dans les 7 premiers jours de la maladie, à prélever aux urgences si besoin, notamment dans les formes graves et si la suspicion est très forte (contexte épidémique)
  • Frottis sanguin / goutte épaisse systématique à la recherche de paludisme si retour de zone d’endémie palustre
  • Hémoculture systématique (pour éliminer une autre affection fébrile neutropéniante, comme la fièvre typhoïde)

Diagnostic différentiel

  • Devant toute fièvre au retour d’un pays tropical : éliminer de principe le paludisme
  • Exanthème fébrile : en dehors des étiologies classiques cosmopolites (VIH, CMV, EBV, syphilis, etc.), évoquer notamment le chikungunya (et autres alphaviroses exotiques), la leptospirose, la fièvre typhoïde

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Formes légères ou modérées :
    • traitement symptomatique et réhydratation par voie orale
  • Formes marquées avec asthénie, anorexie, intolérance digestive, et dans les formes hémorragiques :
    • voie d’abord veineuse (avec NaCl 0,9% 1,5 L)
  • Formes avec syndrome de choc :
    • voie d’abord veineuse pour remplissage vasculaire efficace (avec NaCl 0,9% 0,5 L/h)

MEDICAMENTS

  • Paracétamol (per os ou IVL sur 15 min. toutes les 6 h) : 1 g chez l’adulte ou 15 mg/kg chez l’enfant
  • Attention : salicylés (aspirine) et AINS contre-indiqués en raison du risque hémorragique surajouté

Surveillance

CLINIQUE

  • PA, pouls, coloration des extrémités/ h initialement à la recherche de signes de choc
  • Evolution des signes hémorragiques

PARACLINIQUE

  • Bilan sanguin quotidien avec NFS/plaquettes, ionogramme sanguin, protides, créatinine, transaminases

Devenir / orientation

CRITERES D’ADMISSION

Hospitalisation en service spécialisé (maladies infectieuses, médecine interne, gynéco-obstétrique, pédiatrie) pour prise en charge diagnostique et thérapeutique si :

  • Symptômes marqués (hémorragie, léthargie ou agitation, hépatomégalie ≥2 TD), déshydratation associée, douleur abdominale intense et vomissements répétés
  • Selon le terrain : co-morbidité devant faire redouter une évolution compliquée, femme enceinte, sujet âgé, jeune enfant < 6 mois
  • Si anomalies biologiques (à interpréter selon la clinique et le délai depuis le début de la fièvre) :
    • thrombopénie : < 50 000 de J1 à J4 ; < 30 000 entre J5 et J7
    • cytolyse > 5N de J1 à J4 ; > 10N entre J5 et J7
    • élévation de l’hématocrite  parallèlement à la baisse des plaquettes

Prise en charge en réanimation des formes compliquées

  • Dengue hémorragique avec/sans choc
  • Formes atypiques

Pour remplissage vasculaire, surveillance clinique et biologique, transfusion plaquettaire uniquement en cas de thrombopénie profonde

CRITERES DE SORTIE DU SAU

  • Absence de signes de gravité clinique
  • Plaquettes > 50 000/mm3
  • Transaminase < 5N

ORDONNANCE DE SORTIE

  • Paracétamol : 60 mg/kg/j en 4 prises chez l’enfant ; 2 à 3 g/jour chez l’adulte jusqu’à disparition de la fièvre et des douleurs
  • Contre-indication des salicylés (aspirine) et des AINS (majoration du risque hémorragique)
  • Bonne hydratation par voie orale
  • Antiémétiques si besoin
  • Prescription d’une sérologie de la dengue à faire après J5 du début des symptômes (si non fait aux urgences)

RECOMMANDATIONS DE SORTIE

  • Consultation spécialisée systématique après 2 à 3 jours pour contrôle de l’évolution :
    • clinique (disparation de la fièvre en moins d’une semaine, absence d’apparition de signes de gravité contemporains de la défervescence thermique)
    • et biologique (NFS/transaminases)
  • Consultation anticipée en urgence si apparition de saignements francs (hématémèse, …) ou d’altération de l’état général
  • Protection contre les piqûres d’insectes dans les zones géographiques de circulation du vecteur A. albopictus (Corse du Sud, Haute Corse, Var, Alpes Maritimes), pour éviter les cas secondaires et l’implantation de la dengue sur le territoire
  • A distance, conseils pour « éviter » une nouvelle dengue
  • Maladie à déclaration obligatoire depuis 2006 en France métropolitaine et à la Réunion, en raison notamment du risque d’introduction de la dengue en France métropolitaine dans les zones géographiques de circulation du vecteur A. albopictus
  • Dispositif de signalement accéléré des cas suspects dans les départements d’implantation du vecteur A. albopictus (PACA, Corse)
     

Mécanisme / description

  • Arbovirose transmise par la piqûre diurne et quasi-indolore de moustiques du genre Aedes (A. aegypti principalement et A. albopictus)
  • Le virus de la dengue est un flavivirus dont il existe 4 sérotypes de DENV-1, DENV-2, DENV-3, DENV44
  • L’immunité conférée après maladie est spécifique d’un sérotype et n’empêche pas l’infection par les autres sérotypes, voire l’aggrave
  • L’hypothèse de la « facilitation immunologique » est une des explications avancées pour expliquer la physiopathologie de la dengue hémorragique : de faibles taux d’anticorps circulants résiduels faciliteraient la réplication virale lors d’une infection ultérieure avec un autre sérotype, entrainant la production en grande quantité de cytokines à l’origine d’une augmentation de la perméabilité vasculaire responsable d’une fuite plasmatique et d’un choc hypovolémique
     

Bibliographie

  • Tarantola A, Quatresous I, Ledrans M, Lassel L, Krastinova E, Cordel H, Lapidus N, Debruyne M, Poveda JD, Boude-Chevalier M, Schuffenecker I, Zeller H, Grandadam M, Tolou H, Paquet C. ‘Dengue dimportation diagnostiquée en France métropolitaine, janvier 2001- Décembre 2006. Med Mal Infect. 2009 Jan;39(1):41-7
  • InVS –
    <a « http:= » » www.invs.sante.fr= » » surveillance= » » dengue= » » point_connaissances.htm »= » »>Dossier thématique sur la dengue
  • Wichmann O, Gascon J, Schunk M, Puente S, Siikamaki H, Gjørup I, Lopez-Velez R, Clerinx J, Peyerl-Hoffmann G, Sundøy A, Genton B, Kern P, Calleri G, de Górgolas M, Mühlberger N, Jelinek T; European Network on Surveillance of Imported Infectious Diseases. Severe dengue virus infection in travelers: risk factors and laboratory indicators. J Infect Dis. 2007 Apr 15;195(8):1089-96
  • Wilder-Smith A, Schwartz E. Dengue in travelers. N Engl J Med. 2005 Sep 1;353(9):924-32
  • Protection personnelle antivectorielle ou protection contre les insectes piqueurs et les tiques
    <a « http:= » » www.medecine-voyages.fr= » » publications= » » ppavtextecourt.pdf »= » »>Recommandations de bonne pratique HAS
    (Texte court)
  • WHO – Dengue haemorrhagic fever: diagnosis, treatment, prevention and control. New edition 2009. Geneva
  • Détection de l’antigène NS1 de la dengue. Rapport d’évaluation technologique de l’HAS. Juin 2009

Auteur(s) : Nathalie COLIN DE VERDIERE

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