Les méningites bactériennes sont un motif fréquent de consultation aux urgences et d’admission en unité de soins intensifs
Il s’agit d’une urgence médicale . La gravité est liée à la mortalité et aux risques de séquelles neurologiques (fréquentes chez l’enfant âgé de moins de quatre ans), retard psychomoteur, surdité
En l’absence de traitement spécifique, les méningites purulentes ont une évolution fatale inéluctable
L’antibiothérapie et la corticothérapie précoces en ont modifié le pronostic
Malgré les progrès de l’antibiothérapie, leur pronostic reste redoutable
Les progrès ne peuvent se faire que par une prise en charge optimale dès l’urgence
Au moment de la prise en charge initiale d’une méningite purulente, les indications d’imagerie cérébrale doivent rester très limitées
L’urgence est a la mise en route de l’antibiothérapie et la corticothérapie qui doivent être précédées d’une ponction lombaire, essentielle a l’identification du micro-organisme responsable et a la détermination de sa sensibilité aux antibiotiques
Les risques de la PL sont faibles et de loin inférieurs aux risques propres de la méningite
Aucun retard thérapeutique n’est admissible. C’est pourquoi le diagnostic doit être évoqué même par excès et conduire au moindre doute à une PL. En cas d’impossibilité ou de réel danger de cet examen une antibiothérapie probabiliste comprenant au moins une céphalosporine de 3eme génération à fortes doses doit être immédiatement instaurée
Les principaux signes de gravité sont :
purpura fulminans
coma profond ( Score de Glasgow score de Glasgow < 8)
défaillance cardio-respiratoire
Présentation clinique / CIMU
SIGNES FONCTIONNELS
La méningite bactérienne provoque de graves réactions qui se manifestent généralement en l’espace de quelques heures.
Elle associe de façon plus ou moins complète les signes suivants
Signes infectieux :
fièvre
frissons
Syndrome méningé, comportant :
violents maux de tête (céphalées), classiquement en casque
vomissements en jet
photophobie (éblouissement douloureux par la lumière)
phonophobie (sons douloureux)
raideur méningée (signe de Kernig et signe de Brudzinski)
Constipation
Troubles de la conscience parfois :
torpeur
obnubilation
voire coma profond d’emblée
Purpura éventuel :
tâches rouge-violacées ou ecchymoses) lors des méningites méningococciques
Mais les signes ne sont pas toujours aussi typiques :
chez le nourrisson [et particulièrement le nouveau né] où toute altération brutale de l’état général doit faire évoquer le diagnostic et où le tableau clinique peut être dominé par une hypotonie (méningite dite à nuque molle)
chez la personne âgée, la méningite peut se révéler par une confusion fébrile, c’est dire l’importance de la prise de température devant tout syndrome confusionnel à cet âge
Parfois des signes d’encéphalite s’ajoutent :
somnolence
confusion
épilepsie
déficit sensitivomoteur (paralysie ou paresthésie)
on parle alors de méningo-encéphalite
Particularités :
chez l’enfant :
les symptômes chez les bébés comportent :
réveil difficile
forte fièvre
irritabilité
perte d’appétit
vomissement
pleurs aigus ou gémissements, en particulier quand on le prend dans les bras (hyperesthésie)
teint pâle ou blafard
fièvre, maux de tète, hypotonie, sensibilité à la lumière
éruption de taches violacées ou ecchymoses
fontanelle tendue
par contre, chez le nourrisson une raideur de la nuque est très rarement présente
chez la personne âgée :
les signes sont fréquemment absents ou présents à minima
les symptômes pouvant faire évoquer une méningite chez les sujets âgés sont :
troubles du comportement
convulsions
céphalées
CONTEXTE
Terrain
Immunodépression, absence de vaccination
Antécédents
Antécédents de traumatisme crânien (brèche ostéo durale)
Chirurgie de la base du crâne
Méningite
Otite, sinusite
Pneumopathie associée
Facteurs de risque
Rhinorrhée
Asplénie
Infection à VIH
Notion d’épidémie
EXAMEN CLINIQUE
Fièvre
Syndrome méningé
Raideur de nuque
Signe de Kernig
Signe de Brudzinsky
Phono ou photophobie
Vomissements en jet
Céphalées
Troubles neurologiques
Rechercher des signes de localisation :
une confusion
obnubilation
trouble de vigilance voire coma pouvant signer une méningo encéphalite
Purpura simple ou nécrotique extensif
Signes frustres et trompeurs aux âges extrêmes
Signes ORL
Hypoacousie
Otalgie
Otorrhée
Fosses nasale (écoulement)
Voire avis ORL spécialisé :
si drainage d’un foyer collecté sinusien
si paracentèse dans le cadre d’une otite moyenne aigue
EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES
ECG
SpO2
Glycémie
CIMU
Tri 1 à 3 selon la gravité clinique
Signes paracliniques
BIOLOGIQUE
Ponction lombaire avec analyse biochimique, cytologique et microbiologique du LCR
Prélever un minimum de trois tubes de LCR (volume total : 40 à 100 gouttes, soit 2 à 5 mL chez l’adulte ; 40 gouttes, soit 2 mL chez l’enfant) avec examen direct et antibiogramme (associant l’étude de la CMI pour l’amoxicilline, le céfotaxime et la ceftriaxone)
PCR sur le LCR si examen direct négatif
Contre indications PL :
signes d’engagement cliniques (mydriase unilatérale, hoquet, trouble ventilatoire, mouvements d’enroulement, instabilité hémodynamique) ou sur l’imagerie cérébrale
anomalie connue de l’hémostase
traitement anticoagulant efficace
suspicion clinique d’un trouble majeur de l’hémostase (saignement actif)
instabilité hémodynamique
Les analyses cytologique et biochimique montrent classiquement :
une cellularité importante (> 1000 /mm3) à prédominance de polynucléaires neutrophiles
une glycorachie < 0,4 g/L (2 mmoL)
un rapport glycorachie/glycémie < 0,3
une protéinorachie > 1g/L
Hémoculture
Dosage du lactate dans le LCR
Une valeur au-dessous de 3,2 mmol/L rend très peu probable le diagnostic de méningite bactérienne
Dosage de la procalcitonine sérique
Une valeur au-dessous de 0,5 ng/mL rend très peu probable le diagnostic de méningite bactérienne
Examens non spécifiques
Polynucléose
Elévation de la C-Reactive Proteine sanguine
Permettent simplement d’orienter vers une étiologie bactérienne
IMAGERIE
Au moment de la prise en charge initiale d’une méningite purulente, les indications d’imagerie cérébrale doivent rester très limitées.
La réalisation d’un scanner avant la ponction lombaire expose au risque de retarder la mise en route de l’antibiothérapie.
TDM cérébrale, si :
les signes de localisation neurologiques
les troubles de vigilance mesurés par un score de Glasgow ≤ 11 :
les crises épileptiques récentes ou en cours, focales ou généralisées après l’âge de cinq ans, seulement si hémicorporelles avant cet âge
L’imagerie cérébrale doit être systématique si autre bactérie que méningocoque ou pneumocoque
Fond d’oeil non indispensable (retard d’apparition de l’oedème papillaire)
Diagnostic étiologique
Chez l’enfant au-delà de 1 an et jusqu’à l’âge de 24 ans, le méningocoque et le pneumocoque représentent environ 95% des cas
Au-delà de 24 ans : pneumocoque (50 à 70%), méningocoque, listeria monocytogenes, haemophilus influenzae, streptocoque du groupe B
Streptococcus pneumoniae ou pneumocoque
Antécédents de traumatisme crânien, de chirurgie de la base du crâne, de méningite
Rhinorrhée
Début brutal
Présence de signes neurologiques focaux
Otite, sinusite ou pneumopathie associée, asplénie, VIH
Neisseria meningitidis ou méningocoque
Notion d’épidémie
Saison hivernale
Purpura
Absence de signes neurologiques focaux
Listeria monocytogenes
Age > 50ans
Grossesse
Immunodépression (corticothérapie, myélome)
Signes de rhombencéphalite avec atteinte des paires crâniennes
LCR peu trouble avec formule panachée
Haemophilus influenzae
Age < 5 ans
Absence de vaccination
Méningite à liquide clair
Listériose neuroméningée :
le syndrome infectieux initial est d’intensité variable volontiers modéré
la présentation clinique est souvent celle d’une méningo-encéphalite survenant chez des patients immunodéprimés (hémopathies, cancer, corticothérapie, alcoolisme chronique..) et les femmes enceintes
fréquentes paralysies des paires crâniennes
PL :
cellularité du LCR variable, souvent > 1000 cellules/mm3. formule est souvent panachée
protéinorachie très variable, le plus souvent d’environ 1 g/L, rarement supérieure à 3 g/L
hypoglycorachie dans la moitié des cas
l’examen direct du LCR est souvent négatif mais la culture est souvent positive (souvent tardivement après plus de 3 jours de culture)
Méningo-encéphalite herpétique :
évoquer devant des signes encéphalitiques fébriles évoluant sur quelques jours
le tableau clinique initial associe typiquement :
ne confusion
une désorientation temporo-spatiale
des troubles du comportement simulant un tableau psychiatrique aigu
des signes neurologiques d’atteinte fronto-temporale (hallucinations olfactive, auditive ou visuelle), et des crises convulsives
fièvre, volontiers élevée, toujours présente
PL :
liquide hyper cellulaire, lymphocytaire et contient parfois quelques hématies
protéinorachie le plus souvent < 2 g/L
glycorachie est normale
TDM peut être normal au début et montre classiquement des plages d’hypodensité temporales prenant le contraste en leur centre
L’IRM montre de façon plus précoce des hyper signaux temporaux
Deux examens permettent d’orienter le diagnostic étiologique mais ne doivent pas retarder le traitement : la recherche d’interféron alpha et surtout la détection du virus dans le LCR par PCR.
Le traitement : aciclovir (Zovirax) à la dose de 10 mg/kg toute les 8 heures pendant 10 jours
Tuberculose :
méningite hypoglycorachique
franchement hyperproteinorachique (> 2 g/L)
lymphocytaire
tableau encéphalitique
si absence d’hypoglycorachie, les arguments en faveur :
évolution le plus souvent subaiguë
signes de méningite basilaire
hyponatrémie
imagerie cérébrale : arachnoïdite de la base dans plus de la moitié des cas, des infarctus cérébraux et surtout une dilatation ventriculaire, très fréquente initialement ou dans les premiers jours de traitement
Les céphalées sont souvent très importantes sans aucun rapport avec la bénignité de cette pathologie
ENCEPHALITES
Syndrome méningé + manifestations centrales
L’encéphalite herpétique est une urgence thérapeutique, au même titre que les méningites bactériennes
Certaines présentations atypiques peuvent entraîner l’association du traitement antiherpétique avec l’antibiothérapie, dans l’attente du diagnostic précis
La confusion peut se faire essentiellement avec les méningites à liquide clair (Listeria, BK)
ABCES CEREBRAUX
Symptomatologie surtout focalisée, simulant une tumeur
Peuvent néanmoins se compliquer d’une méningite bactérienne
MENINGITES PARASITAIRES
Surtout les infections opportunistes au cours du sida : toxoplasmose, cryptococcose
La TDM cérébrale est l’examen clé pour le diagnostic de la toxoplasmose
L’examen direct du LCR est celui qui permet le diagnostic de la cryptococcose
HEMORRAGIES MENINGEES
Elles peuvent être fébriles
Le scanner cérébral permet de préciser le diagnostic
NEUROPALUDISME
Peut enfin simuler une méningite bactérienne, surtout à méningocoque, compte tenu de la similitude des zones tropicales à risque : ce diagnostic différentiel peut être posé à l’occasion d’un retour de pays tropical
Traitement
TRAITEMENT PREHOSPITALIER/INTRAHOSPITALIER
Stabilisation initiale
Surélévation de la tête à 20-30°
Voie veineuse périphérique
Remplissage au NaCl 0,9% en cas d’instabilité hémodynamique
Oxygénothérapie voire sédation assistance respiratoire mécanique si défaillance respiratoire
Lutte contre HTIC ou Engagement cérébral par Mannitol en bolus unique (200mL de Mannitol 20% en 20 min)
Lutte contre désordres hydro-électrolytiques
Antibiothérapie urgente dès constatation LCR trouble ou purpura extensif. Faire des hémocultures avant l’antibiothérapie (la précocité du traitement antibiotique et symptomatique conditionne directement la mortalité et les séquelles neurologiques et/ou auditives fréquentes chez les survivants)
Suivi du traitement
Adapter le remplissage en fonction de la PA
Catécholamines si défaillance septique (dopamine)
Adaptation des apports en fonction des désordres hydro électrolytiques
Contrôle et prévention des convulsions
Contrôle de la fièvre
Traitement portes d’entrée :
surtout ORL: drainage sinusite
paracentèse
Prophylaxie :
déclaration obligatoire (rapidement)
chimioprophylaxie des sujets contact
vaccination des sujets contact pour Méningo A et C
MEDICAMENTS
Antalgiques/ antipyrétiques
Type paracétamol 1g/6h en IV
Antibiothérapie avant la PL, si
Purpura fulminans
Prise en charge hospitalière ne pouvant pas être réalisée dans les 90 min
Contre-indication à la PL
35% des pneumocoques dans les méningites de l’adulte sont I (0,1 < 1) ou R (CMI > 1 mg/L) à la pénicilline G, 18% sont I (0,5 < 2) ou R (CMI > 2 mg/L) et 4% I (0,5 < 2) au céfotaxime
FDR pneumocoque I ou R aux ß lactamines :
hospitalisation ou traitement par les ß lactamines dans les 6 mois précédents
immunodépression
porte d’entrée ORL
profession exposée => association C3G + Vanco
Examen direct positif
Pneumocoque (CG+) :
céfotaxime (Claforan) 300 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 100 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
± vancomycine 40-60 mg/kg/j en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 15 mg/kg sur 1 h
Méningocoque (CG-) :
céfotaxime (Claforan) 200mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 75 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
Listeriose (BG+) :
amoxicilline (Clamoxyl) 200 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue + gentamicine (Gentalline) 3 à 5 mg/kg/j en 1 perfusion unique journalière ; si allergie TMP-sulfa 6-8 amp IV/j
H. Influenzae (BG-) :
céfotaxime (Claforan) 200 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 75 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
E.Coli (BG-) :
céfotaxime (Claforan) 200 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 75 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
M Tuberculosis :
quadrithérapie
Lyme :
ceftriaxone 2 g/j IV
Neurosyphilis :
pénicilline G 20 M UI/j en 6 inj
Staphylocoque (post chirurgical) :
céfotaxime (Claforan) 300mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1h
+ fosfomycine 200 mg/kg/j en 4 perf IV ou
Examen direct négatif (liquide purulent)
Pas d’argument pour une listériose :
céfotaxime (Claforan) 300 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 100 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
Arguments pour une listériose :
céfotaxime (Claforan) 300 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue avec dose de charge de 50mg/kg sur 1h
ou ceftriaxone (Rocéphine) 100 mg/kg/j IV en 1 ou 2 perfusions
+ amoxicilline (Clamoxyl) 200 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue
+ gentamicine (Gentalline) 3 à 5 mg/kg/j en 1 perfusion unique journalière
Examen direct négatif (liquide clair : listeria, méningite décapitée)
Amoxicilline (Clamoxyl) 200 mg/kg/j IV en 4 perfusions ou en continue
+ gentamicine (Gentalline) 3 à 5 mg/kg/j IV en 1 perfusion unique journalière
+ aciclovir 30 mg/kg/j IV
Corticothérapie
S’oppose à la réaction inflammatoire responsable de l’oedème cérébral et des phénomènes de vascularites compliquant les méningites purulentes
Dexaméthasone 0,15 mg/kg toutes les 6 heures pendant 4 jours indiquée immédiatement avant ou de façon concomitante à la première injection d’antibiotique si :
méningite à pneumocoque ou méningocoque chez l’adulte
diagnostic présumé de méningite bactérienne sans certitude microbiologique en particulier si :
indication d’une imagerie cérébrale retarde la PL
LCR trouble
examen direct négatif mais forts arguments biologiques de méningite bactérienne
Anticonvulsivants conventionnels
Insulinothérapie
Intraveineuse afin d’abaisser la glycémie en dessous de 1,5 g/L en cas de sepsis sévère
17e conférence de consensus en thérapeutique antiinfectieuse : prise en charge des méningites bactériennes aigues communautaires (à l’exclusion du nouveau-né) dans Médecine et Maladies infectieuses, SPILF 2009 ; 39 : 145-210
Van de Beek D et al. Community-acquired bacterial meningitidis in adults. N Engl J Med 2006 ; 354 : 44-53
Tunkel AM et al. Practice Guidelines for the management of bacterial meningitidis. Clin Infect Dis 2004 ; 39 : 1267-84
Cremieux AC. Du bon usage des antibiotiques 2009. Editions Doin