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Intoxication : trichloroéthylène

Spécialité : pediatrie / toxicologie /

Points importants

  • Le trichloroéthylène (TCE) est un liquide incolore, volatil, d’odeur caractéristique rappelant celle du chloroforme. Il est utilisé comme solvant industriel dans le dégraissage des pièces métalliques et le nettoyage à sec
  • Le syndrome toxique est neuropsychiatrique : état psycho-ébrieux, ataxie, troubles du comportement, hallucinations auditives, visuelles et sensitives ou troubles de vigilance
  • La gravité est liée à une atteinte cardiaque tardive et prolongée : risque de survenue d’une fibrillation ventriculaire et de décès
  • Maladie professionnelle (tableau n°12)

Présentation clinique / CIMU

SIGNES FONCTIONNELS

Signes neuropsychiques

  • Ebriété, excitation, étourdissement ou engourdissement
  • Ataxie
  • Troubles cognitifs
  • Troubles du comportement
  • Troubles de vigilance : somnolence, obnubilation, coma, narcose
  • Hallucinations auditives, visuelles et sensitives
  • Crises d’épilepsies partielles ou généralisées

Signes digestifs

  • Douleurs abdominales violentes et précoces si ingestion
  • Nausées, vomissements, diarrhées, hémorragies avec lésions d’irritation

Signes cardiaques

  • Hyperexcitabilité myocardique
  • Fibrillation ventriculaire
  • Insuffisance circulatoire, arrêt cardiocirculatoire
  • Décès

Autres atteintes

  • Pulmonaire : polypnée, toux, détresse respiratoire par fausse route
  • Hépato-néphrites immuno-allergiques

CONTEXTE

Terrain

  • Le plus souvent il s’agit d’un adolescent
  • Usage principalement toxicomaniaque
  • Professionnel : accidentel ou ingestion volontaire sur les lieux de travail

Antécédents

  • Recherche de toxicomanie antérieure ou associée, hépatite

Circonstances de survenue

  • Intoxication accidentelle sur le lieu du travail
  • Intoxication volontaire par inhalation chez les adolescents (toxicomanie)
  • Intoxication volontaire à but suicidaire

Quelle voie d’administration ?

  • Inhalation : 70% du TCE (concentrations de vapeurs) sont éliminés dans l’air expiré
  • Ingestion : une partie du TCE liquide est absorbée et l’autre est éliminée dans les selles
  • Cutanée : plus accessoire, l’absorption du TCE se fait sous forme liquide

Le patient a-t-il pris d’autres toxiques : médicaments ? alcool ?

EXAMEN CLINIQUE

Syndrome adrénergique

  • Tachycardie, TDR
  • Agitation

Neurologique

  • Ataxie
  • Trémulations
  • Céphalées, vertiges
  • Malaise, perte de connaissance
  • Troubles de la vigilance
  • Narcose, obnubilation
  • Anesthésie
  • Coma profond calme aréflexique
  • Episodes hypertoniques
  • Convulsions
  • Agitation

Psychiatrique

  • Etat psycho-ébrieux
  • Anxiété
  • Hallucinations auditives, visuelles et sensitives
  • Troubles du comportement

Cardio-vasculaire

  • Douleurs thoraciques (éliminer un SCA)
  • Palpitations (ESV isolées, en salves)
  • TDR ou de conduction (TV, FV, asystolie) à rechercher même tardivement (scope, ECG ++)
  • HoTA, collapsus
  • Tachycardie ou bradycardie sinusale

Pulmonaire

  • Fausse route à l’origine de détresse respiratoire aiguë
  • Rechercher une surinfection broncho-pulmonaire

Digestif

  • Haleine caractéristique
  • Douleurs abdominales précoces en cas d’ingestion de TCE liquide
  • Vomissements, diarrhées, à l’origine de lésions d’irritations buccales, péribuccales et péri-anales
  • Hémorragies digestives possibles
  • Atteinte hépatique

Autres

  • Irritation cutanée ou érosion superficielle de la cornée (par projection)
  • Rhabdomyolyse (par hypertonie ou crises convulsives)
  • « Degreaser’s flush » : flush lors d’exposition combinée au TCE et à l’éthanol

EXAMENS PARACLINIQUES SIMPLES

ECG

  • Tachycardies ou bradycardies sinusales ou tachyarythmies
  • Signes de syndrome coronarien aigu
  • Troubles du rythme : ESV, TV, FV
  • Troubles de conduction

Glycémie capillaire

  • Rechercher une hypoglycémie (diagnostic différentiel) ou hyperglycémie (syndrome adrénergique)

CIMU

  • Tri 1 à 3 en fonction de la gravité clinique

Signes paracliniques

BIOLOGIQUE

  • NFS, plaquettes
  • Ionogramme (déshydratation, hypokaliémie)
  • Créatinine (atteinte rénale), CPK (rhabdomyolyse)
  • Transaminases, calcémie (élévation)
  • Alcoolémie
  • Troponine : si douleur thoracique ou anomalies ECG
  • Gazométrie artérielle si détresse respiratoire ou coma
  • CRP, hémocultures, en cas de fièvre
  • Bêta-HCG (patiente en âge de procréer)
  • Hémostase

IMAGERIE

ASP si ingestion

  • Rechercher des radio-opacités intra-digestives (intérêt du suivi pour le lavage gastrique ou irrigation intestinale)

Radiographie du thorax en cas d’inhalation, si dyspnée, fièvre ou douleur thoracique, recherchant

  • Pneumonie d’inhalation
  • Pneumothorax, pneumomédiastin

Scanner cérébral ou IRM

  • Si troubles de la vigilance, céphalées ou traumatisme crânien

EEG

  • Si crise d’épilepsie ou coma

Diagnostic étiologique

Détection et dosages des métabolites trichlorés dans les urines

  • Le trichloréthanol et l’acide trichloracétique
  • Surveillance médicale des sujets exposés dans l’industrie
  • Pour le diagnostic de certitude, sujet comateux ou non coopérant
  • Intérêt médico-légal

Diagnostic différentiel

Lésions du SNC

  • Traumatisme crânien
  • AVC
  • Hémorragie
  • Tumeur
  • Epilepsie temporale

Infections

  • Méningo-encéphalite virale ou bactérienne
  • Légionellose

Causes toxiques

  • CO
  • Alcool
  • Hallucinogènes
  • Opiacés
  • Psychotropes
  • Antihistaminiques
  • Toxicomanie
  • IMV polymédicamenteuse

Causes métaboliques

  • Hypoglycémie
  • Hyperammoniémie
  • Hypercalcémie

Traitement

TRAITEMENT PREHOSPITALIER / INTRAHOSPITALIER

Stabilisation initiale

  • Contention physique si agitation incontrôlable ou hallucinations
  • CAP : confirmation de la composition/toxicité du produit industriel
  • Voie veineuse périphérique
  • Remplissage vasculaire et hydratation : NaCl 0,9 % (1 à 3 L/24 h) + vitamine B1
  • Monitorage ECG continu
  • ß bloquants ++
  • Anti-épileptiques : clonazépam, phénobarbital
  • Oxygénothérapie
  • Intubation orotrachéale et ventilation mécanique avec sédation si coma, détresse respiratoire ou hypoxie sévère
  • Prévenir le réanimateur en présence de signes de gravité :
    • signes cardiovasculaires
    • coma
    • TDR
    • complication respiratoire

SUIVI DU TRAITEMENT

BZD (Diazépam 5-10 mg IV lente) si agitation, renouvelable

  • Agitation
  • Anxiété
  • Tachycardie
  • Convulsions

Décontamination digestive en cas d’ingestion

  • Généralement contre-indiqué en raison du risque d’inhalation
  • Lavage gastrique ou irrigation intestinale, après intubation et ventilation si coma (suivi par l’ASP)

Rhabdomyolyse

  • Réhydratation au NaCl 0,9% IV perfusion
  • Alcalinisation avec bicarbonates 1,4% IV perfusion avec surveillance de l’alcalinisation par BU

Douleurs thoraciques

  • Aspirine
  • Morphine titrée IV
  • Dérivés nitrés

Tachycardie

  • BZD en première intention
  • Propranolol IV lente si nécessaire
  • Xylocaïne 2% IV 1 mg/kg à répéter si nécessaire (arythmies)

MEDICAMENTS

  • Propranolol (Avlocardyl) : 1 mg IV lente à renouveler puis 0,5-1 mg/h adapté à la FC. Le sevrage peut se faire en plusieurs jours dans les cas graves
  • Xylocaïne (Xylocard 2%) : 1 mg/kg en perfusion IV
  • Charbon activé (Carbomix, Toxocarb) : 50 g per os pour un adulte ou 1 g/kg chez l’enfant
  • Clonazépam (Rivotril) : 1 mg IV à renouveler si besoin
  • Phénobarbital 20 mg/kg (dose de charge) IV 20 min puis 2-5 mg/kg/j IV
  • Diazépam 5-10 mg IVL si agitation
  • Polyéthylène glycol : 4 litres per os sur 4 h jusqu’à évacuation intestinale complète
  • Thiamine (vitamine B1) : 100 mg IV ou IM
  • Trinitrine : 10 à 100 µg/min IVSE
  • Amoxicilline-acide clavulanique : 1 à 2g IV lente renouvelable
  • O2 : lunettes ou MHC
  • Proscrire : les médicaments adrénergiques

Surveillance

CLINIQUE

  • Conscience, score de Glasgow
  • Paramètres vitaux : T°, FR, FC, PA, SpO2, SpCO et glycémie capillaire
  • Scope
  • ECG à répéter même tardivement
  • BU si alcalinisation des urines

PARACLINIQUE

  • Selon les résultats des examens initiaux

Devenir / orientation

EN PREHOSPITALIER

  • Transport aux urgences par le SAMU si ingestion ou signes de gravité
  • Transport par le SAMU en réanimation si intubé

EN INTRAHOSPITALIER

Critères d’admission en réanimation

  • Ingestion massive de TCE
  • Troubles de la conscience, convulsions
  • TDR
  • HoTA, collapsus
  • Détresse respiratoire
  • Fièvre

Critères de sortie

  • Examen clinique et ECG normaux après 8 h d’observation
  • Aucune anomalie ionique
  • Identification du (des) toxique(s)
  • Consultation psychiatrique si geste suicidaire

Mécanisme / description

Généralités

  • Absorption rapide et le pic plasmatique est atteint en 2 h
  • Dose absorbée (30 à 80 %) est proportionnelle à la concentration inhalée, à la durée d’exposition et au taux de ventilation alvéolaire
  • L’absorption gastro-intestinale est rapide et importante
  • Passage de la barrière méningée et placentaire
  • Forte liposolubilité : concentration dans le tissu adipeux
  • Métabolisme hépatique : voie du cytochrome P450
  • Hydrate de chloral et trichloréthanol : métabolite avec effets calmants et narcotiques, et demi-vie d’élimination de 1 à 2 h
  • TCE : subsiste 30 h dans l’organisme et est éliminé dans les 48 h

Pharmacodynamie

  • Après exposition unique, le TCE inchangé (entre 10-28%) est éliminé dans l’air expiré pendant 18 h
  • Trichloréthanol : demi-vie d’élimination de 10 à 15 h
  • Acide trichloracétique : concentration sanguine augmente pendant 20 à 40 h après exposition puis demi-vie d’élimination de 70 à 100 h
  • Elimination urinaire du trichloréthanol complète en 5 jours et de 13 jours pour l’acide trichloracétique, après l’arrêt de l’exposition
  • Après exposition répétée, la demi-vie d’élimination est de 41 h
  • L’élimination du TCE est plus faible chez la femme que chez l’homme

Bibliographie

  • Lauwerys R, Haufroid V, Hoet P, Lison D -Toxicologie industrielle et intoxications professionnelles. 5e édition – Masson
  • Stewart RD, Hake CI, Peterson JE. « Degreaser’s flushs » Arch Environ Health, 29,1,1974
  • INRS – fiche toxicologique n° 22 – Edition 2002 ; 8 pages
  • Bismuth Ch. Toxicologie clinique. Médecine-sciences, Flammarion, 5e édition, 2000, Paris
  • Ellenhorn MJ. Ellenhorn’s medical toxicology. Diagnosis and treatment of human poisoning. Williams & Wilkins, 1997,Pennsylvania
     

Auteur(s) : Mohamed HACHELAF

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